Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Face à l'urgence de la crise du Covid-19, le Gouvernement a à juste titre soutenu en priorité les revenus des ménages tandis que les entreprises bénéficiaient de sursis (reports d'échéances fiscales et sociales, prêts garantis). L'enjeu est maintenant de donner aux entreprises les moyens de rebondir pour permettre un redressement durable de l'économie et éviter une forte hausse du chômage. Le plan de relance table notamment sur des d'investissements massifs dans les secteurs d'avenir et sur une meilleure compétitivité du site France avec la baisse des impôts de production.
Le plan de relance favorise-t-il trop les entreprises ?
Avant de parler de déséquilibre du plan de relance, il faut rappeler que le choc économique lui-même a été inégalement réparti.
Le choix fait durant la crise sanitaire a été, à juste titre, de préserver les revenus des ménages, notamment avec le chômage partiel, qui a incité les entreprises à garder leurs salariés. Celles-ci ont en revanche subi une chute massive de leurs revenus, choc atténué en partie et temporairement par les reports de charges et les prêts garantis par l’État. Il s’agit désormais de permettre à l’économie de rebondir: le déséquilibre apparent du plan de relance n’est que le reflet du déséquilibre du choc infligé à l’économie.
À plus long terme, les revenus des ménages dépendent de la capacité de rebond des entreprises, et l’opposition entre les deux catégories me semble artificielle. Le plan de relance doit permettre d’éviter une augmentation forte et durable du chômage, en redonnant aux entreprises les moyens de se développer et d’investir.
Il s’agit à présent de passer de la stratégie d’urgence du confinement, qui consistait à éviter la mort brutale des entreprises, à une stratégie économique de redressement à moyen terme.
Le défi consiste à retrouver le rythme de croissance d’avant-crise, voire à l’augmenter par des investissements massifs dans les secteurs d’avenir, notamment en consacrant 35 milliards d’euros à la transition écologique. L’objectif de relocalisation sera soutenu par la baisse durable des impôts de production, qui va permettre aux territoires français de jouer davantage à armes égales avec leurs concurrents pour développer et attirer les activités industrielles.
Par ailleurs, des mesures sont destinées aux ménages à travers le volet « emploi et compétences». La prolongation du chômage partiel protégera le revenu des ménages. L’investissement dans les compétences bénéficiera non seulement aux personnes directement concernées, mais plus largement à l’économie tout entière. Il faut ainsi tempérer l’opposition entre ménages et entreprises.
S’agissant de la conditionnalité des aides versées aux entreprises, le débat revient à chaque diminution de leurs prélèvements, certains y voyant un cadeau. On peut considérer, de manière plus neutre, que la baisse des impôts de production vise à réduire l’écart entre la France et ses partenaires de la zone euro.
Le véritable enjeu consiste à placer le territoire français dans des conditions concurrentielles acceptables, plutôt qu’à conditionner les aides à telle ou telle action d’embauche ou d’investissement. Les décisions des entreprises ne se décrètent pas, elles sont prises en fonction d’un environnement concurrentiel donné. Sans ingérence dans leurs stratégies, le plan fait le pari de la relance durable en améliorant la compétitivité.
Emmanuel Jessua, directeur des Etudes de Rexecode
Propos recueilli par Mathieur Laurent
Le plan de relance favorise-t-il trop les entreprises ? article à lire dans le journal La Croix, du 4 septembre 2020, avec les avis de Emmanuel Jessua et Christophe Rameaux