Dans son édito pour l'émission Good Morning Business, Denis Ferrand revient sur un paradoxe: la France, dont les comptes publics et extérieurs sont déficitaires, bénéficie de la protection de la monnaie unique au moment où le camp des eurosceptiques sort vainqueur des élections européennes.

Les marchés tanguent, l’OAT se rapproche très fortement des taux portugais, mais cela pourrait être pire. En quoi la France bénéficie-t-elle du paratonnerre de la zone euro ?

Pour apprécier l'effet protecteur de l’euro, on peut citer l’exemple de l'éphémère gouvernement de Lizz Truss à l'automne 2022 au Royaume-Uni. Ce dernier avait rapidement montré son incompétence économique et budgétaire, et la sanction des marchés avait été immédiate. Non seulement sur les taux de la dette publique britanniques, mais aussi sur le taux change de la livre sterling qui avait chuté quasiment instantanément de 8% face à l’euro.

A l'automne 2022, le Royaume-Uni avait un déficit courant et une position extérieure nette débitrice. Il dépendait donc de financements extérieurs pour répondre à ses besoins. La zone euro est dans la situation inverse, elle se suffit à elle-même pour se financer. En revanche, la France est déficitaire et a une position extérieure nette débitrice. Sa position est donc proche de celle du Royaume-Uni de l’époque et, si elle n’appartenait pas à la zone euro, le taux de change de sa monnaie tanguerait fortement.

Autre exemple, au début des années 1980 sous la Présidence Mitterrand, la France a conduit une politique de relance à contretemps des autres pays qui luttaient contre l’inflation dans la foulée du deuxième choc pétrolier. Résultat: une explosion du déficit extérieur et trois dévaluations consécutives du franc.

Cette protection de l’euro va-t-elle suffire pour la France ?

Il y a aussi la protection de la politique monétaire de la Banque centrale européenne. Depuis la crise de 2011-2012, la zone euro s’est doté de tout un arsenal qui permet à la BCE d’acheter de la dette publique.

Entre fin 2019 et fin 2023, la dette publique a augmenté de 12 points en France. Dans le même temps, la Banque de France a augmenté de 10 points sa détention de dette française dans le cadre de l’Eurosystème. Cela signifie que la quasi-intégralité de l’augmentation de la dette française a été absorbée par la politique monétaire européenne. La BCE peut donc intervenir en toute discrétion pour protéger un pays du risque de taux. Elle l’a fait pour l’Italie, elle pourrait le faire pour la France.

Emission présentée par Laure Closier

Denis Ferrand : L'euro, protection contre les turbulences
BFM Business, Good Morning Business, 12/06/2024