Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
A l'heure où des entreprises du CAC 40 affichent des résultats record, des voix s'élèvent en faveur d'une taxe exceptionnelle. Selon Michel Didier, cette proposition repose sur un mauvais diagnostic. D'abord, parce qu'à l'instar de l'activité, le rebond des profits en 2021 est au mieux un rattrapage des pertes de 2020. Ensuite, parce que ces chiffres masquent de forte disparités entre entreprises et secteurs. Enfin, parce que les entreprises françaises doivent être armées face au double défi de la compétitivité et de la transition climatique.
Vouloir surtaxer les bénéfices des entreprises part d’un mauvais diagnostic. Si l’on regarde les chiffres, le bénéfice global des sociétés françaises était supérieur en 2019 à ce qu’il est depuis le début de la crise sanitaire. Le rebond des résultats de 2021 permet au mieux de rattraper les pertes de l’année précédente. L’idée de superprofits pendant la crise sanitaire est donc fausse sur le plan des chiffres.
Avec la fin de ce rattrapage, le rebond d’activité tend à s’épuiser. L’État arrête progressivement de compenser les pertes des acteurs économiques. La France ne réalisera pas à nouveau cette année les 7% de croissance de 2021, qui vient, je le rappelle, après un recul de 8% en 2020. Ce n’est certainement pas le moment d’accentuer le tassement en surtaxant les entreprises.
Quant aux bénéfices records de Total Energies ou de BNP Paribas, il faut faire attention aux exemples qui ne relatent pas la grande diversité des situations des entreprises en France prendre des totems est dangereux. Si l’on examine par exemple le secteur automobile, il est aujourd’hui dans une mauvaise passe.
Tout le monde a bénéficié des aides. Il est faux d’affirmer que les entreprises sont les grandes gagnantes de la crise sanitaire. Le chômage partiel n’est pas à compter comme une recette pour elles, il a été versé aux ménages. Et s’il y a eu les fonds de solidarité pour assurer la survie des entreprises, les prêts garantis par l’État devront, eux, être remboursés.
Un problème majeur pour notre économie est le recul de notre compétitivité. Surtaxer les entreprises serait contre-productif. Pour redresser notre compétitivité, il faut au contraire poursuivre la baisse des impôts de production. Il faudrait une baisse de 30 à 40 milliards d’euros pour se retrouver à la moyenne européenne, et même de 60 milliards d’euros pour s’aligner sur l’Allemagne.
Ces dernières années, notamment avec ce que l’on a pu observer avec la baisse de l’impôt sur les sociétés, la France a tendance à harmoniser ses impôts avec les autres membres de l’Union européenne. Dévier de cette tendance et faire du zigzag en matière fiscale provoquerait de l’incertitude chez les investisseurs, ce qui n’est pas bon.
Enfin, la transition écologique induit un changement de paradigme. Les entreprises ont un besoin très fort de financement et d’investissements pour verdir leur appareil productif. L’État, lourdement déficitaire, ne pourra pas payer ces investissements. Surtaxer les entreprises et limiter leur capacité de financement serait en complet décalage avec ces besoins.
Michel Didier, président du Comité de direction de Rexecode
CAC 40 : faut-il taxer les superprofits pour financer le "quoi qu’il en coûte" ?
Pierre-Henri Girard-Claudon et Julie de la Brosse, La Croix - 10/02/2022
L'article complet avec les points de vue de Michel Didier et de Henri Sterdyniak est disponible sur le site du journal
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