Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
La part des émissions de gaz à effet de serre du numérique dans l’empreinte carbone de la France est deux fois plus faible qu’au niveau mondial et pour deux-tiers importée. Cette sobriété apparente reflète le retard relatif du développement du numérique en France, retard qui prive le pays d’environ 0,2 point de croissance par an. Réduire l’investissement dans le numérique pour réduire les émissions serait une option très coûteuse car, en plus d’être un moteur de croissance, le numérique est un allié de la décarbonation de l’économie.
Rexecode a procédé à une analyse de type coût bénéfice centrée sur la problématique économique globale du développement du numérique, en tenant compte de ses conséquences sur les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sur le revenu national et la croissance économique.
L’empreinte carbone du numérique est estimée à environ 2 à 4% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial et à 1,8% pour la France selon les évaluations récentes.
L’empreinte carbone du numérique en France (11 MtCO2e) est au deux-tiers importée. 8 MtCO2e sont dégagées lors de la production et du transport du matériel numérique importé (smartphones, ordinateurs, etc.) depuis des pays dont l’intensité des émissions est en général très supérieure à celle de la France. Un tiers est due à l’électricité consommée par les matériels numériques en France. (*)
La base de données EU-KLEMS permet d’apprécier la contribution de chaque facteur de production à la croissance de la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie et de calculer ainsi l’impact du numérique sur la croissance.
L’accumulation du capital TIC (matériel informatique et de communication) explique directement 11% de la croissance en France (0,17 point par an) contre 18% aux Etats-Unis (0,40 point) entre 1990 et 2015, et 30% en Allemagne (0,41 point) entre 1996 et 2015. La relative faiblesse du secteur numérique est donc un handicap pour la croissance française, de l’ordre de 0,2 point de croissance par an.
Si la France mobilisait un supplément annuel d’investissement équivalent à 1% du stock de capital numérique (soit environ 4 milliards d’euros la première année), le PIB serait augmenté d'environ 50 milliards d’euros à horizon d'une vingtaine d'années. Le gain de croissance serait de +0,3 point la première année, effet qui s’estomperait progressivement.
Dans la panoplie des actions possibles pour limiter les émissions carbonées, réduire l’investissement numérique constituerait une voie très coûteuse, de l’ordre de 4.400 € par tonne de CO2 évitée (*). Alors que le supplément de revenu apporté par le développement du numérique permettrait de financer des réductions d’émission bien moins coûteuses, de l’ordre de 50 à 500 € par tonne de CO2 évitée, dans la production d’électricité, les procédés industriels ou le logement.
D’autant que le numérique, dont l’empreinte carbone diminuera à mesure de la décarbonation de la production d’énergie, est aussi un outil de réponse au défi climatique grâce à trois leviers: (1) la substitution entre usages numériques et usages "physiques" plus émetteurs, (2) l'amélioration de l’efficacité énergétique, comme le montrent des simulations et expérimentations dans le secteur du bâtiment, (3) la facilitation de la décarbonation de l’énergie, par exemple dans la gestion des énergies renouvelables intermittentes (smart grids, etc.).
(*) Chiffrage du Conseil général de l’économie, décembre 2019. Une étude ADEME/Arcep présentée le 19 janvier 2022, évalue l’empreinte carbone du numérique à 16,9 MtCO2e avec un intervalle de confiance de 10,6 à 26,3 MtCO2e. Le coût d'une réduction des émissions par une réduction de l'investissement dans le numérique est estimé à 4.220 € par tonne de CO2 évitée en retenant ce chiffrage ADEME/Arcep. (voir annexe 2 du document de travail)