La transition vers la neutralité carbone pour limiter le réchauffement climatique aura d’importantes répercussions dont l’évaluation économique accuse un retard préoccupant selon une note de France Stratégie. La transition aura des effets macroéconomiques considérables et imposera d’importants efforts d’investissement à moyen et long terme, mais "l’objectif de « zéro émission nette » en 2050 est à notre portée" selon les auteurs.

La transition climatique impliquera une transformation profonde de nos économies, dont l’impact est encore mal appréhendé. France Stratégie a publié une note sur les effets macroéconomiques de la transition énergétique, sur la production, la consommation, l’investissement, les échanges extérieurs, l’emploi, l’inflation, les finances publiques et les inégalités. Elle sera complétée par un rapport au printemps 2022.

Même si le réchauffement et les politiques climatiques sont des défis mondiaux, pour clarifier les mécanismes en jeu, la note raisonne dans le cadre d’une économie isolée (qui peut être la France ou l’Union européenne), sous l’hypothèse que les mesures annoncées dans le reste du monde soient bien mises en œuvre.

Trois mécanismes économiques sont principalement à l’œuvre dans les stratégies environnementales: la substitution de capital à des combustibles fossiles (investissements) ; la réorientation des investissements en R&D vers le développement d’alternatives aux énergies fossiles et l’amélioration de l’efficacité énergétique ; la modération, spontanée ou contrainte, des consommations énergivores (sobriété).

• La transition vers la neutralité carbone aura "des effets puissants sur l’économie" quelle que soit la combinaison de ces trois mécanismes. Elle constituera un choc d’offre avec, dans un premier temps au moins, des conséquences négatives sur la consommation et le PIB potentiel. Elle entrainera en effet une réallocation du capital et de la main d’œuvre, donc des pertes de croissance potentielle, d’autant plus fortes et coûteuses que la transition n’aura pas été anticipée. Elle aura un impact négatif sur les finances publiques à court et moyen terme, et "imposera une réforme substantielle de la fiscalité" à plus long terme. Elle a et aura certainement un caractère inflationniste dans des proportions encore difficiles à estimer. Son effet sur la productivité est quant à lui particulièrement incertain.

• À court/moyen terme, la transition climatique exigera une augmentation substantielle des investissements. Il faudra miser sur les technologies déjà fiables, et donc combiner efforts de sobriété et de substitution du capital aux énergies fossiles, ce qui impliquera une augmentation substantielle des investissements (de l’ordre de 2,5 points de PIB en 2030, soit 70 milliards aux prix de 2021 selon les estimations recensées par France Stratégie, dont les estimations de Rexecode publiées en mai 2022, de l'Ademe, de l'I4CE et du rapport Quinet.

À horizon de 10-20 ans, l’objectif de "zéro émission nette" reste toutefois "à notre portée", estiment les auteurs. La réorientation de la R&D vers les alternatives aux énergies fossiles ainsi que la crédibilité économique de la stratégie adoptée joueront un rôle majeur dans son succès.

Synthèse réalisée par la Documentation de Rexecode, lien ci-dessous pour accéder au document.

L’action climatique : un enjeu macroéconomique
Selma Mahfouz, Jean Pisani-Ferry
France Stratégie, Note d’Analyse N°114, 9 novembre 2022

Sont parus récemment sur les questions climatiques :

Enjeux macroéconomiques et budgétaires de la neutralité carbone
Sous la supervision de Selma Mahfouz
Inspection générale des Finances, daté d'août 2022 et rendu public le 15 novembre 2022

Point sur la conjoncture française à début novembre 2022
La Banque de France a interrogé pour la première fois dans le cadre de son enquête les chefs d’entreprises de 8500 sociétés sur les conséquences du choc énergétique. 1/4 des entreprises indiquent que leur activité en a subi les conséquences en octobre, dont 7% fortement. Pour les trois prochains mois, près de quatre entreprises sur dix anticipent un impact (faible ou fort).
(voir aussi notre enquête trésorerie auprès des grandes entreprises et ETI qui comprend une question sur ce sujet).

L’industrie face aux prix de l’énergie - Les marchés européens sont-ils en défaut?
Caroline Mini, Mathieu Bordigoni
Fabrique de l'Industrie, Les Notes de la Fabrique, novembre 2022

World trade report 2022: Climate change and international trade
Organisation Mondiale du Commerce, Rapport sur le commerce mondial, novembre 2022
Ce rapport examine en détail les multiples interactions entre la question du changement climatique et le commerce international.

Global Carbon Budget 2022
Global Carbon Project, novembre 2022, 17e édition
Les émissions mondiales restent élevées avec une projection de 40,6 milliards de tonnes de CO2 en 2022. Si les niveaux d'émissions actuels persistent, il y a une chance sur deux que le réchauffement de 1,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle soit dépassé d'ici 9 ans.