Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Face à la crise énergétique et à la forte hausse de l’inflation, le gouvernement français a mis en place, à partir de fin 2021, un "bouclier tarifaire" en faveur des ménages notamment, dont la prolongation a été actée dans le projet de loi de finances pour 2023*. Le Cepremap estime dans une étude publiée le 17 novembre que ce bouclier aurait permis de soutenir la croissance économique, tout en limitant l’inflation et la progression des inégalités, pour un coût budgétaire "substantiel mais soutenable".
A l’occasion de l’examen au Parlement des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2023, l’IPP et le Cepremap s’associent pour présenter leur "conférence budgétaire" annuelle sur les grandes orientations de politiques publiques du gouvernement. Dans le contexte de hausse des coûts de l’énergie, et plus globalement de l’inflation, leurs évaluations se sont concentrées en 2022 sur les effets macroéconomiques et sociaux du bouclier tarifaire*, politique de subvention des prix de l’énergie mise en place par le gouvernement à la fin de 2021 et dont la prolongation a été actée dans le PLF pour 2023.
Cette évaluation s’appuie sur le modèle CEPREHANK, dont la spécificité est d’évaluer conjointement les grands équilibres macroéconomiques et la dynamique des inégalités (mesurée comme l’écart de consommation entre les ménages favorisés et défavorisés).
• Par rapport à un scénario "sans bouclier tarifaire", le Cepremap estime que les mesures adoptées en 2022 et prévues au PLF 2023 permettraient de limiter l’impact du choc énergétique sur l’inflation (de respectivement -1,1 et -1,8 point) et sur la croissance du PIB, qui atteint 2,85% (+1,74 point) en 2022 et 1% (+0,08 point) en 2023. Le bouclier permet aussi de contenir la progression des inégalités: un ménage parmi les 10% les plus favorisés consomme 2,3 fois qu’un ménage des 10% les moins favorisés - sans le bouclier, il aurait consommé 2,45 fois plus.
• Cette atténuation du choc se fait au prix d’une hausse de la dette publique de +1,8 point de PIB à horizon 2027, sachant que le coût du bouclier, évalué à 2,5 points de dette/PIB (58 Md€ en 2022, 52 Md€ en 2023), est partiellement amorti par le surplus de croissance générée. Pour cette raison, ne pas reconduire le dispositif en 2023 augmenterait le ratio dette/PIB (+2,1 points) "même avec l’économie budgétaire du bouclier sur l’année 2023". Dans ce cas en effet, le Cepremap calcule que, par rapport au scénario de bouclier 2022-2023, la croissance serait inférieure de 0,45 point en 2023.
• Une mesure complémentaire d’indexation des salaires sur l’inflation n’est "pas souhaitable" car elle aurait un impact "très faible" sur les inégalités et enclencherait une boucle prix-salaire aux effets adverses. Enfin, remplacer le bouclier par un transfert unique pour tous soutiendrait davantage la consommation en 2023 mais serait moins favorable à la croissance et à la dette malgré un coût budgétaire plus faible.
Synthèse réalisée par la Documentation de Rexecode, lien ci-dessous pour accéder au document.
Soutien à l'économie, maîtrise des finances publiques et lutte contre les inégalités : le bouclier tarifaire est-il un bon instrument ?
François Langot, Fabien Tripier, Selma Malmberg et Jean-Olivier Hairault
Communication de l’Observatoire Macroéconomie du CEPREMAP à la Conférence-débat "Quels enjeux budgétaires face à la crise énergétique ?" co-organisée par l’IPP et le CEPREMAP, 17 novembre 2022.
Voir aussi :
France: déclaration des services du FMI à l’issue de leur mission de 2022 au titre de l’article IV
FMI, 21 novembre 2022
L’important soutien budgétaire en réponse au choc énergétique a permis d'atténuer son impact économique, moyennant un coût élevé, les mesures mises en œuvre en 2021-22 représentant au total plus de 2% du PIB. Le FMI recommande d’entamer dès 2023 un processus de consolidation budgétaire pour retourner sur un sentier de dette publique soutenable. Il préconise, dans un premier temps d'accélérer l’élimination des contrôles des prix énergétiques, tout en augmentant l’aide ciblée aux personnes les plus vulnérables, ce qui inciterait aussi les économies d’énergie. Le FMI approuve ainsi le chèque énergie prévu d’ici à la fin 2022, et suggère un mécanisme de tarification différenciée, avec un bouclier tarifaire ne couvrant que les besoins énergétiques de base.
Dernière minute :
Le 22 novembre, dans ses Perspectives économiques, l'OCDE est sur la même ligne au sujet de la France: "Le coût budgétaire du plafonnement des prix de l’énergie et des mesures d’aide s’élèvera à 1.9% du PIB en 2022 et 2% en 2023 ; les tarifs réglementés de l’électricité et du gaz, en hausse de 15% en 2023, devraient augmenter dans les mêmes proportions en 2024, tandis que la remise carburant prendra fin en janvier 2023. (...) Les aides inconditionnelles liées aux prix de l’énergie, notamment le plafonnement des prix, devraient être supprimées progressivement en raison de leur coût budgétaire élevé et des distorsions économiques qu’elles engendrent." L'OCDE table sur une croissance du PIB de 2,6% en 2022, 0,6% en 2023 et 1,2% en 2024.
* Bouclier tarifaire: gel des tarifs réglementés du gaz à leur niveau d’octobre 2021, plafonnement de l’augmentation des tarifs réglementés de vente de l’électricité, remise à la pompe à partir du 1er avril 2022 - Les mesures prises en compte pour 2023 sont celles prévues par le projet de loi de finance 2023 pour la période 2023-2027.
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