Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Le renchérissement de l'énergie se traduit par une perte de pouvoir d'achat pour l'ensemble de l'économie française qui fait que la croissance de la France sera modeste voire nulle en 2023 et 2024. Le pic d'inflation semble en effet devant nous malgré la détente en cours sur les prix des matières premières et le fret. Les comportements en termes d''investissement et d'emploi seront déterminants. Or, si les anticipations laissent penser qu'une contraction est possible, les enquêtes de conjoncture ne montrent pas de retournement dans les faits.
Oui. Mais il n'y a pas de catastrophe. L'économie française est en train de retrouver son rythme de croissance d'avant la crise du Covid-19 qui était de l'ordre de 1% par an. Tout le monde a la récession dans la tête. Mais quand on regarde les enquêtes de conjoncture en France, on ne la retrouve pas. Il y a certes des anticipations qui laissent penser qu'une contraction de l'activité est possible: l'aspiration des ménages à l'épargne, la baisse des crédits logements, les trésoreries qui commencent à se tendre.
En réalité, la grande question, c'est ce qui va se passer en termes d'investissement et d'emploi. S'agissant de l'investissement, on ne voit pas de fléchissement pour l'instant. Il n'est pas impossible que face aux tensions sur les approvisionnements énergétiques, les entreprises accélèrent leurs investissements dans la transition écologique. Mais c'est un pari que je fais.
• L'inflation a bondi à 6,2 % en octobre. Faut-il s'en inquiéter ?
Le problème aujourd'hui est que l'inflation se cristallise sur des produits très sensibles comme l'alimentation . Cela crée le sentiment que l'ensemble du panier de consommation est touché par la hausse des prix, alors que tout ne progresse pas aussi vite. Cela crée des frustrations sur le pouvoir d'achat. Une conséquence prévisible est que les négociations annuelles obligatoires sur les salaires qui vont s'ouvrir seront plus complexes et plus tendues. Des clauses de revoyure seront sans doute nécessaires pour tenir compte de l'évolution future des prix.
De fait, le pic d'inflation n'a pas encore été franchi. Les prix alimentaires vont continuer d'augmenter, ceux des services aussi à mesure qu'ils intégreront les hausses de salaires. Par ailleurs, en janvier, quand les factures de gaz et d'électricité vont augmenter de 15 % , il est possible que l'inflation en France aille un peu au-delà d'un pic à 7%. Le point rassurant toutefois c'est qu'une détente est en train de s'opérer sur les prix des matières premières et le fret maritime.
C'est un bon choix pour la croissance immédiate. Mais la question qui va se poser si l'inflation énergétique ne disparaît pas rapidement est celle du retrait des aides. L'Etat ne pourra pas subventionner ad vitam aeternam les tarifs de l'énergie. Il faudra bien à un moment rétablir la vérité des prix et trouver un nouvel équilibre entre les ménages, les entreprises et l'Etat pour payer le prélèvement que représentent les hausses de prix.
Le renchérissement de l'énergie va se traduire par une perte de pouvoir d'achat pour l'ensemble de l'économie. C'est la raison pour laquelle la croissance de la France sera modeste voire nulle en 2023. Ce sera encore le cas en 2024, car l'inflation sera encore élevée à cet horizon. L'autre conséquence de la politique actuelle concerne naturellement l'objectif de rétablissement des comptes publics qui est durablement endommagé.
Propos recueillis par Nathalie Silbert
Article disponible sur le site du journal Les Echos : Interview « La croissance de la France sera modeste voire nulle en 2023 », 31 octobre 2022