La Cnuced a abaissé sa prévision de croissance économique mondiale pour 2022 en raison de la guerre en Ukraine et de la normalisation des politiques économiques des pays avancés, deux facteurs dont les effets se feront sentir quasiment dans tous les pays et en particulier dans les économies en développement. McKinsey tente d’évaluer l'impact de la guerre sur l'économie de la zone euro en explorant divers scénarios d'évolution du conflit et de réponses des agents.

• Dans la mise à jour de son Trade and Development report,la CNUCED, organe de l'ONU chargé du commerce et du développement, révise à la baisse sa prévision de croissance économique mondiale pour 2022, attendant une progression du PB mondial de 2,6% contre 3,6% dans ses prévisions de novembre 2021.

En raison de la guerre en Ukraine et des changements de politiques macroéconomiques des derniers mois, pratiquement aucun pays ne sera à l'abri d'une détérioration des perspectives à court terme, même si quelques-uns bénéficieront de la hausse des prix des matières premières qu'ils exportent.

La perspective de croissance est revue en baisse en premier lieu pour la Russie (de -9,6 points) qui connaitra une profonde récession (-7,3% en 2022) même si le conflit se termine rapidement. Mais elle l'est aussi pour les autres régions du monde et surtout pour l’Asie centrale (croissance attendue à +0,2% en 2022, soit une révision de -2,9 points), puis l’Asie du Sud (+4,0%, -1,7 point) et du Sud-Est (+3,4%, -1,3 point), l’Union européenne (+1,6%, -1,7 point), dont -1,8 point pour l’Allemagne et -1,0 point pour la France, et l’Afrique (-1,1 point). L’Amérique du Nord (-0,6 point) et l’Amérique latine (-0,3 point) seraient moins pénalisées.

Le rapport souligne que le conflit accentuera les écarts entre pays, déjà constatés lors de la crise sanitaire puis dans une reprise économique "post Covid" à plusieurs vitesse, aux dépens des pays en développement. Il met en lumière plusieurs risques qui les concernent au premier chef.

En particulier, le conflit risque de renforcer la tendance au resserrement monétaire dans les pays avancés (le rapport s'interroge sur un scénario de "taper tantrum" comme en 2013) tandis que des réductions de dépenses publiques sont déjà prévues avec la fin des programmes de soutien exceptionnels. La guerre génère aussi des incertitudes sur les principaux marchés internationaux (environnement de flux de capitaux volatils, d’instabilité des taux de change et de hausse des coûts d'emprunt). Cela accentue pour les pays les plus fragiles le risque de graves difficultés de paiement de la dette extérieure. La Cnuced estime ainsi que les pays en développement auraient besoin de 310 milliards de dollars pour assurer le service de la dette extérieure en 2022

Synthèse par le service Documentation de Rexecode. Accédez au document par le lien ci-dessous.

Update - Tapering in time of conflict
NATIONS UNIES – Trade and Development Report, 24 mars 2022.

Voir aussi l'Évaluation Rapide par la CNUCED (du 16 mars 2022) de l'impact de la guerre en Ukraine sur le commerce et le développement.

McKinsey-War-Ukraine-mars-2022

• Dans la note "War in Ukraine: Lives and livelihoods, lost and disrupted" McKinsey envisage neuf scénarios pour appréhender l'impact de la guerre en Ukraine et en particulier comment elle risque d'affecter la production hors de la zone de conflit et particulièrement en zone euro. Ces scénarios sont basés sur des hypothèses concernant deux grands facteurs :

(1) la durée et l'ampleur des perturbations (hausse des prix des matières premières, déplacements de populations) générées par le conflit militaire et les sanctions avec trois degrés de gravité, selon que le conflit débouche rapidement sur un cessez-le-feu / se prolonge au long de l'année 2022 / s'aggrave et perdure (sans toutefois s'étendre hors Ukraine) ; (2) les réponses des agents (mesures de politique économique et comportement des consommateurs et des entreprises).

L'étude présente à titre d'illustration trois réponses potentielles :

• Restrictive: resserrement monétaire, hausse de l'épargne ; tensions sur le marché du travail et persistance du Covid-19.
• Modérée: réduction progressive des soutiens budgétaire et monétaire visant la maitrise de l'inflation ; soutien modéré pour atténuer les hausses des prix énergétiques et alimentaires, maintien d'une consommation modérée.
• Robuste: modération monétaire permettant la maîtrise de l'inflation, mesures d'atténuation des hausses de prix, baisse de l'épargne au profit de la consommation ; investissements énergétiques importants.

Parmi les scénarios mis en avant par McKinsey:

- Un scénario combinant (1) la variante la plus optimiste et (2) la réponse "Modérée" débouche sur un retour des prix énergétiques à leurs pic d'avant-guerre, la croissance de la zone euro retrouve sa tendance après un ralentissement au 1er trimestre : +3,8% en 2022, 2,7% en 2023 et 1,5% en 2024. L'Allemagne suit une trajectoire similaire.

- Un scénario combinant (1) la variante la plus pessimiste et (2) la réponse "Modérée" débouche sur un doublement des prix du gaz et un pétrole à 150$ le baril, et une inflation européenne de plus de 7% sur l'année, la zone euro bascule en récession en 2022 et 2023 ( -0,5% les deux années, -1,4% en Allemagne) avant de redémarrer fin 2023-début 2024.

War in Ukraine: Lives and livelihoods, lost and disrupted
McKINSEY & COMPANY, mars 2022

Voir aussi cette semaine :

BOFIT Forecast for Russia 2022-2023
BANK OF FINLAND, 28 Mars 2022

Economic outlook: Energy, trade and financial shockwaves
ALLIANZ - EULER HERMES, mars 2022

ifo Economic Forecast Spring 2022: Consequences of the Russian-Ukrainian War Slow the German Economy
IFO INSTITUT, 23 mars 2022