Focus
Perspectives économiques à moyen terme
La productivité du travail en France se redresse depuis fin 2022. Mais globalement, entre fin 2019 et fin 2024, les emplois créés ou maintenus en France ont été moins productifs qu’auparavant, et aussi moins productifs que dans les autres pays européens. Selon une note de l’OFCE, cette faible productivité française s’explique aux trois-quarts par les politiques publiques mises en place dans le cadre du Plan de relance consécutif au choc de la crise sanitaire, en particulier les politiques de soutien à l’apprentissage et aux entreprises ou encore la politique de baisse du coût du travail.
Après le choc de la crise sanitaire et deux années "au ralenti", la productivité du travail s’est redressée en France, progressant au rythme annuel de +1,3% depuis le début de 2023 (dans le secteur marchand non-agricole - SMNA), soit plus rapidement que sa tendance de long terme (+0,9% par an). Pour autant, elle reste 5% en dessous de sa trajectoire tendancielle et n’a pas encore tout à fait rejoint son niveau de fin 2019, alors qu’en moyenne l’ensemble formé par les autres pays de la zone euro est y est parvenu dès le 1er trimestre 2021. L'OFCE tente d'expliquer les raisons de cette "panne de productivité" française.
Les auteurs constatent qu'entre fin 2019 et fin 2024, le contenu en emploi de la croissance a été très élevé en France. Sur la période, la valeur ajoutée des SMNA n’a progressé que de +5,5% (+1,1% en moyenne par an). Cette faible hausse aurait dû aboutir à une hausse modeste de l’ordre de +18 000 emplois salariés par an en moyenne dans ces secteurs (+89 000 en 5 ans). Or plus d'un million d'emplois salariés marchands (+6,1%) ont été créés sur la période. Fin 2024, l’écart entre l’emploi observé et l’emploi attendu reste élevé (982 000 emplois).
En comparaison, dans les autres pays de la zone euro, les performances en termes d’emploi (+4,3%) ont été inférieures à celles de l’activité (+5,1%). "En d’autres termes, les emplois créés ou maintenus en France étaient moins productifs qu’auparavant, et moins productifs que ceux créés ou maintenus chez nos voisins" européens.
Grâce à la nouvelle base des comptes nationaux adoptée en 2024 et à la disponibilité de données plus récentes sur les politiques publiques, les auteurs confirment que les politiques publiques actées dans le cadre du plan de relance ont significativement stimulé la demande de travail. Elles expliquent "près de 75% des créations d'emplois inattendues" depuis 2019.
"Principal déterminant de la dynamique de l’emploi salarié" et de l’affaiblissement de la productivité, la politique de soutien à l’apprentissage, en raison de la faible productivité de l'apprenti et de la productivité affaiblie du maître d'apprentissage, explique près de 30% de l’écart par rapport à la tendance antérieure. Jouent ensuite un rôle significatif : la politique de soutien aux entreprises (17%) qui a favorisé le maintien ou différé la défaillance d'entreprises "zombies" ; la baisse du coût du travail principalement liée au retard d’indexation des salaires aux prix (13%) ; la baisse du chômage (9%) et ce qu’elle implique en termes de profil des actifs (embauche de salariés moins qualifiés ou moins expérimentés en période de difficultés de recrutement) ; et la contraction persistante de la durée du travail (6%), due en partie au dispositif de chômage partiel.
Ces estimations s’appuient sur un modèle de demande de travail qui cherche à expliquer les emplois surnuméraires du marché du travail. Au final, 25% des emplois surnuméraires créés ou maintenus depuis 5 ans restent inexpliqués. Une partie de ces emplois inexpliqués pourrait être liée à un phénomène de rétention d'emplois, en période de difficultés de recrutement.
En conclusion, l’OFCE souligne que "la durabilité de ces emplois est très dépendante des financements publics qui les accompagnent", notamment les aides à l’apprentissage et les aides exceptionnelles aux entreprises.
Synthèse par la Doc de Rexecode, accès par le lien ci-dessous.
> La productivité retrouve des couleurs
OFCE - Bruno Coquet, Eric Heyer, Policy Brief N°142, 1er avril 2025