Une comparaison internationale menée par le Conseil d’analyse économique montre que la France dispose d'une marge importante d'augmentation de sa quantité totale de travail. L’écart constaté avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou l'Allemagne s’explique moins par la durée du travail que par la faiblesse relative du taux d’emploi en France, laquelle vient essentiellement des jeunes et des seniors. Le CAE souligne aussi "l'effondrement" sur 30 ans de la quantité de travail des moins qualifiés, et son "essoufflement" récent pour les femmes. Autant de cibles à privilégier pour les politiques de "plein emploi".

Pour une économie, atteindre le "plein emploi", suppose, au-delà de la réduction du taux de chômage, de mobiliser pleinement la population en capacité de travailler.

Dans une note, le CAE examine la quantité totale de travail réalisée en France sur longue période et en comparaison internationale. L’analyse montre que la France est loin du plein emploi, le nombre total d’heures travaillées par habitant et par an y étant plus faible qu’aux Etats-Unis (avec un déficit de l’ordre de 300 heures) et en Allemagne ou au Royaume-Uni (déficit de 100 heures). Le Conseil d’analyse économique (CAE) analyse les marges d’augmentation de la quantité de travail en France, qu’il s’agisse du taux d’emploi avec une augmentation de la participation au marché du travail (marge extensive) ou du nombre d’heures travaillées par les personnes en emploi (marge intensive).

Le faible taux d’emploi des jeunes et des seniors en cause

Selon le CAE, l’écart avec les autres pays n’est pas dû à un nombre plus faible d’heures effectuées par les personnes en emploi, mais s’explique par un taux d’emploi plus faible en France. Cet écart de taux d'emploi viendrait entièrement des jeunes et des seniors.

Chez les jeunes, la France se distingue par une insertion particulièrement lente et difficile sur le marché de l'emploi.  "Deux ans après leur fin d’études, le taux d’emploi des Français ayant fini leurs études à 18 ans est inférieur de 15 points à celui des Allemands, et de près de 30 points de moins à celui des Britanniques. Même pour les jeunes qui sortent du système éducatif plus tard avec de meilleurs diplômes, l’insertion sur le marché du travail prend 1 à 2 ans de plus que chez nos voisins européens. "

Chez les seniors, le taux d’emploi français des 60-64 ans reste particulièrement en retrait à 45%, contre 56 à 65% dans les autres pays étudiés.  Il est progressivement remonté suite aux réformes successives des retraites et cette tendance devrait se poursuivre. Le CAE note également que la part des 55-74 ans dans la population devrait croitre à un rythme beaucoup moins soutenu ces dix prochaines années.

Par ailleurs, la contribution du travail féminin "s'essouffle". La hausse du nombre d’heures travaillées des femmes stagne depuis 2010 et la durée du travail des femmes reste inférieure de plus de 20% à celles des hommes. Enfin la note souligne une spécificité française: un "effondrement" du travail des peu qualifiés avec un recul de 40% en 30 ans du nombre total d'heures de travail des hommes peu qualifiés.

Gisements et leviers d'augmentation de la quantité de travail

Selon le CAE, la focalisation du débat sur des politiques qui s’attachent à la marge intensive du travail, du type réduction des jours de congé, dérégulation des heures de travail, défiscalisation des heures supplémentaires, semble "peu pertinente".

A sein de la marge extensive, la note recommande de donner la priorité aux politiques encourageant la participation (des seniors, des femmes, et surtout des jeunes et notamment des NEETs - ni en emploi et ni en études, ni en formation) plutôt qu’aux politiques "exclusivement centrées sur la réduction supplémentaire du taux de chômage". 

Synthèse par la Doc de Rexecode, accès par le lien ci-dessous.

> Objectif "plein emploi" : pourquoi et comment ?
Antoine Bozio, Camille Landais, Jean Ferreira, Alice Lapeyre, Mariane Modena
Conseil d'analyse économique, Focus N°110, 4 mars 2025

 

Augmenter la quantité de travail: la note Rexecode 

La note Rexecode sur "les enjeux et leviers de l’augmentation de la quantité de travail en France", publiée le 10 mars, confirme le constat du CAE sur la faiblesse relative de la quantité totale de travail en France, et sur le rôle déterminant du taux d'emploi des seniors et des jeunes.

Dans cette note, Olivier Redoulès effectue une comparaison entre la France et les autres pays européens des taux d'emploi par tranches d'âge, ainsi que du nombre d'heures travaillées par habitant et par personnes âgées de 15 à 74 ans en 2023.

Il propose aussi une estimation de la hausse du PIB générée par une augmentation de la quantité de travail en France jusqu'à la moyenne européenne (de +2% à 4%), et jusqu'au meilleurs élèves" du Nord de l'Europe (de +3% à 6%). Une fourchette qui s'explique par l'incertitude entourant les effets de ce surcroit de travail sur la productivité.

Comme le souligne la note du CAE, l’impact sur le PIB dépend de la productivité: "sur nos données, nous estimons l'élasticité du PIB au heures travaillées à environ 1/2, ce qui est particulièrement faible" suggérant que les heures "marginales" sont significativement moins productives que les autres." Rexecode retient une fourchette autour de la même hypothèse centrale (1/3 avec une quantité de travail additionnelle rémunérée au smic, 2/3 avec une quantité de travail additionnelle plus proche du salaire médian) .

Enfin, la note recommande d’évaluer les leviers d’action en fonction de leur impact sur les finances publiques. A cette aune, le report de l’âge effectif de départ à la retraite, comme dans les pays d’Europe du Nord, semble le plus pertinent.

> Les enjeux et leviers de l’augmentation de la quantité de travail en France
Olivier Redoulès
Rexecode, Repères N°13, 10 mars 2025