La poussée d'inflation à compter de 2021, a conduit à une nette augmentation du nombre de salariés rémunérés au Smic en France. Une étude de l'OCDE fondée sur des comparaisons internationales montre qu'en réalité "les facteurs favorisant une possible "smicardisation" des salariés français sont à l’œuvre depuis plus d’une décennie". La France se distingue par la plus forte progression du revenu net dans le bas de l'échelle, et des mécanismes socio-fiscaux de nature à favoriser la création de trappes à bas salaires particulièrement importants.

La France, comme les autres pays européens, a connu un haut niveau d’inflation à partir de 2021. Indexé sur l’inflation, le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic), a rapidement rattrapé les salaires qui lui étaient légèrement supérieurs si bien que le nombre de salariés rémunérés au salaire minimum a fortement augmenté.  "Ils étaient 2 millions dans le secteur privé au 1er janvier 2021 contre 3,1 millions deux ans plus tard", soit une hausse de plus de 50%". On a alors parlé de "smicardisation" de la société française. 

Un document de travail de l’OCDE montre toutefois que "les facteurs favorisant une possible "smicardisation" des salariés français sont à l’œuvre depuis plus d’une décennie".

En comparant les rémunérations dans le bas de l’échelle des salaires en France et dans quatre autres pays européens (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Portugal, les auteurs montrent que le salaire minimum était déjà relativement élevé en France avant le choc inflationniste de 2021, avec pour effet un nombre élevé de salariés à son voisinage.

En France comme dans les autres pays étudiés, les bas salaires reflètent principalement le niveau de compétences des salariés, davantage que les caractéristiques des entreprises ou des secteurs. Les salariés français faiblement rémunérés n'ont pas plus de difficultés à gravir l'échelle des salaires que leurs voisins. En revanche, les salariés français proches du Smic se distinguent par leur faible mobilité professionnelle (faible probabilité de changer d’entreprise) et sont particulièrement exposés au risque de chômage.

Impact du système socio-fiscal

L’OCDE analyse dans un second temps, en se concentrant sur le bas de la distribution des salaires, l’impact du système socio-fiscal sur l’offre et la demande de travail dans un ensemble de pays (Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède), et selon différentes configurations familiales (personne seule, couple mono-actif, avec ou sans enfants).

La France est l’un des pays où l’augmentation du revenu net des salariés faiblement rémunérés a été la plus forte depuis 2008, notamment suite à la mise en place du RSA en 2009, remplacé par la Prime d’activité en 2016.

L’analyse met en évidence des mécanismes pouvant favoriser la création de trappes à bas salaires en France :

- Du côté de l’offre de travail, les gains nets tirés des augmentations de salaires à partir du Smic à temps plein sont réduits par la baisse concomitante de prestations sociales (prime d’activité notamment). Cette situation existe également en Allemagne ou au Royaume-Uni.

- Du côté de la demande, le coût du travail augmente fortement avec le salaire alors qu’il est plutôt modéré en comparaison internationale au niveau du salaire minimum grâce aux allègements de cotisations patronales. Les augmentations de salaire pour les employés rémunérés au Smic sont donc "particulièrement coûteuses" pour les employeurs, malgré le lissage du barème fiscal.

Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document ci-dessous.

L’Emploi à bas salaire en France : Une perspective transnationale

Stéphane Carcillo, Alexander Hijzen, Daniele Pacifico, Eliza-Jane Pearsall, Agnès Puymoyen, Cesar Barreto, Jonas Fluchtman, Alexandre Georgieff
OECD Social, Employment and Migration Working Papers N°313, 9 janvier 2025