Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Selon une enquête menée par La Fabrique de l’Industrie et KMG auprès d’une trentaine de grandes entreprises françaises, principalement industrielles et dotées d’une stratégie de décarbonation, près de 40% des sondés affichent des objectifs de réduction de leurs émissions compatibles avec la nouvelle Stratégie nationale bas carbone (SNBC 3) qui devrait être publiée en 2024. Prudentes, elles privilégient des méthodes éprouvées mais dont les résultats sont limités, et sont plus réservées sur des stratégies plus ambitieuses, invoquant principalement la lourdeur des investissements nécessaires et le manque de visibilité sur leur rentabilité.
La Fabrique de l’Industrie publie une "enquête de terrain" sur la décarbonation des grandes entreprises, identifiant leurs grands arbitrages en vue de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) et les freins qu’elles perçoivent. L’étude repose principalement sur une enquête menée en collaboration avec KPMG auprès d’un échantillon de 38 grandes entreprises françaises, industrielles pour la plupart, et disposant d’un plan de transition énergétique.
Pour respecter la stratégie nationale bas carbone (SNBC3 attendue en 2024), d’ici 2030, les émissions industrielles devraient être réduites de 45% par rapport à leurs niveaux de 2015 d’ici 2030, ce qui implique de tripler le rythme annuel de décarbonation des entreprises industrielles par rapport à la moyenne des trente dernières années. Si 57% des entreprises industrielles interrogées affichent des objectifs de moyen terme compatibles avec la SNBC2 actuelle, la part tombe à 39 % si ces objectifs sont comparés au projet de la SNBC3.
Peu enclines à modifier leur modèle d’affaires, la grande majorité des entreprises interrogées investissent dans la sobriété et l’efficacité énergétique, misant sur des leviers éprouvés, peu coûteux et rapides à mettre en place : éclairage et chauffage (100% des répondants), investissement dans des équipements moins énergivores (86%), etc.
Or, "l’accélération de la décarbonation de l’industrie ne saurait faire l’économie de chantiers plus ambitieux", comme la réduction des émissions de procédés (liées au processus de production), très concentrées dans un petit nombre de secteurs (métallurgie, ciment, industries chimiques). Présentant un fort potentiel de réduction des GES (-44% entre 1990 et 2021 pour l’industrie manufacturière), les deux grands leviers de réduction des émissions de procédés "ne suscitent pas l’engagement de toutes les grandes entreprises" selon l’enquête. La substitution des matières premières carbonées est citée par 57% des répondants et le recours aux technologies de stockage et de valorisation du carbone par 30%.
L’enquête de la Fabrique de l’Industrie identifie trois principaux freins :
• La lourdeur des investissements serait le principal frein à la transition énergétique. La Fabrique de l'Industrie reprend les estimations sectorielles de Rexecode sur les investissements nécessaires (2022): "le supplément d’investissement se chiffrerait à plusieurs milliards d’euros par an dans l’industrie, avec une augmentation continue jusqu’en 2050 (1,8 Md€ sur l’année 2023, 3,7 Md€ en 2030, 7,9 Md€ en 2050)". Les grandes entreprises "déplorent une faible visibilité sur la rentabilité de leurs investissements, a fortiori dans le contexte actuel d’inflation énergétique, et composent avec une réglementation en matière d’aides d’État plus stricte que pour les PME".
• Dans le contexte de la crise énergétique en Europe depuis 2022, les entreprises sondées s'inquiètent aussi du prix et de la disponibilité des énergies, notamment décarbonées (électricité à partir d’énergies renouvelables, hydrogène vert, etc.), qui accompagneraient la sortie des combustibles fossiles.
• La réduction de l’empreinte carbone globale des entreprises, c’est-à-dire des émissions indirectes dites de scope 3 (générées par l’ensemble des chaînes de valeur: approvisionnement en matières premières, transport de marchandises, prestations de services, etc.), est un chantier encore peu engagé. En l’absence de réglementation forte, les entreprises sondées restent prudentes et privilégient la collaboration avec leurs fournisseurs (72%) et le développement de la seconde vie de leurs produits (59%), mesures dont les retombées environnementales restent incertaines dans le contexte d’asymétrie des politiques climatiques à l’échelle mondiale.
Synthèse par la Doc de Rexecode, accès à l'étude ci-dessous.
Les grandes entreprises sur la voie de la sobriété énergétique
Fabrique de l'Industrie – KPMG
Ahmed Diop et David Lolo,
Les Notes de la Fabrique, 20 novembre 2023
The production gap Report: Phasing down or phasing up? Top fossil fuel producers plan even more extraction despite climate promises
Nations Unies, novembre 2023
Ce rapport annuel publié par des instituts de recherche et des experts en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), rend compte de l'écart entre la production de combustibles fossiles anticipée par les pays et la baisse de production mondiale nécessaire pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 ou 2°C. Au total, les plans et projections des gouvernements engendreraient une augmentation de la production mondiale de charbon jusqu’en 2030, et de celle de pétrole et de gaz au moins jusqu’en 2050. Ainsi les politiques actuelles de réduction des gaz à effet de serre laissent présager un réchauffement de 3°C d'ici à la fin du siècle, par rapport à l'ère préindustrielle. Les chances de parvenir à limiter le réchauffement à 1,5°C ne sont plus que de 14%, dans les scénarios les plus optimistes.
National Energy Climate Plan of France - Draft Update
Document du Gouvernement remis à la Commission européenne - daté octobre, publié en novembre 2023
Dans son plan national énergie-climat, la France confirme son intention d'accélérer son électrification afin de sortir des énergies fossiles, ce qui conduirait à un niveau de production d'électricité décarbonée d'au moins 640 TWh en 2035, contre une production totale de 445 TWh en 2022. Le plan prévoit une relance de la filière nucléaire, ainsi qu’une révision à la hausse des objectifs de développement de l'électricité photovoltaïque, une accélération du rythme d'attribution des capacités d'éolien offshore et le maintien du rythme de développement actuel de l'éolien terrestre. Le plan prévoit par ailleurs une fermeture des dernières centrales à charbon ou leur conversion vers "des solutions décarbonées" d'ici 2027. L'ambition est de diviser la consommation d'énergie fossile par deux en 2030 et par trois en 2035 par rapport à 2012.
Documents de travail
Enquête Trésorerie, Investissement et Croissance des PME
Repères de politique économique