Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Le Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital effectue une "première exploration" des effets de ces réformes effectives au 1er janvier 2018. Les rares données disponibles ne permettent pas encore d'évaluer les effets économiques de ces réformes. Le Comité distingue toutefois "quelques indicateurs encourageants" et évalue les effets redistributifs de la transformation de l'ISF en IFI.
La réforme de la fiscalité du capital votée dans la loi de finances pour 2018 a instauré un prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus de l’épargne et remplacé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt recentré sur la fortune immobilière (IFI).
Le Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital, piloté par France Stratégie, fournit dans un premier rapport un panorama des évaluations ex ante et une estimation chiffrée (ex post) des effets de la réforme.
Le Comité souligne les limites de l’exercice faute de disposer des comptes de patrimoine des ménages complets pour l’année 2018 et d’un recul temporel suffisant pour d’autres variables. Le Comité s'est appuyé sur la collecte de l'opinion de 90 gestionnaires de patrimoine ainsi que sur l'exploitation des données IFI 2018 (inédites) fournies par la DGFiP.
Quelques résultats :
• Le nombre de contribuables aisés ayant quitté la France a chuté en 2017 à 376, au plus bas depuis 2004 (sans que le lien avec la réforme puisse être affirmé avec certitude).
• S’agissant de la mise en place du PFU, les gains fiscaux seraient concentrés sur les 15% des ménages les plus aisés selon les simulations de différentes études (les données sur le PFU ne sont pas encore disponibles).
• Le passage de l’ISF en IFI a réduit le nombre d’assujettis de 360.000 à 130.000, en exonérant l'essentiel des contribuables ISF les moins fortunés.
• La réforme n’aurait pas fortement modifié en 2018 la composition des investissements de la clientèle des gestionnaires de patrimoine, qui constatent toutefois un moindre investissement dans l’immobilier.
• Une forte progression des dividendes reçus par les ménages est constatée en 2018, probablement grâce à la réforme, les dividendes n'entrant pas dans l'assiette de l'IFI.
• L’impact de ces deux mesures sur les inégalités semble limité, même si elles favorisent dans un premier temps les ménages les plus aisés.
• Le coût budgétaire constaté de ces mesures serait plus faible que le coût anticipé.
France Stratégie consacre une "Note d’analyse" à l'estimation de l'impact du passage de l'ISF à l'IFI en se concentrant sur les foyers à hauts revenus financiers (supérieurs à 10.000€ annuels) et/ou redevables de l’ISF, soit au total 700.000 foyers.
• Avant la réforme votée dans la loi de finances 2018, malgré un barème conçu comme progressif, le taux d’ISF dont s’acquittaient les ménages les plus fortunés diminuait avec leur niveau de patrimoine. Au final, les 0,1% les plus fortunés (360 foyers) étaient taxés au titre de l’ISF à un taux d’imposition médian de seulement 0,2%, contre 1,5% de taux marginal dans le barème, ces moyennes masquant une hétérogénéité importante.
• Le passage de l’ISF à l'IFI a eu pour conséquence d’exonérer d’impôt sur le stock de patrimoine l’essentiel des contribuables ISF les moins fortunés. À l’inverse, parmi les 0,1% les plus fortunés en 2017, neuf sur dix sont redevables de l’IFI en 2018.
• Quel que soit le niveau de patrimoine déclaré en 2017, les contribuables à l’ISF ont bénéficié de baisses d’impôt importantes, y compris les redevables de l’IFI : en moyenne, l’impôt acquitté a été divisé par trois et demi. Ceux qui ont le plus bénéficié de la mesure se situent aux alentours du 99e centile : pour ces derniers, l'écart entre l'IFI 2018 et l'ISF 2017 représente environ 0,5% du patrimoine net de 2017, contre 0,1% pour les moins fortunés des contribuables ISF.
Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital - Premier rapport
France Stratégie, 30 septembre 2019
Quelle taxation du capital, avant et après la réforme de 2018 ?
Clément d'Herbecourt, Margarita Lopez Forero
France Stratégie, Note d’Analyse N°81, 30 septembre 2019
Dans le cadre de son évaluation, le Comité a auditionné de nombreuses personnalités, dont Michel Didier, Président du comité de direction de Rexecode et Gilles Koléda, économiste. Le Comité s'est également appuyé sur nos travaux :
• L’impôt sur le capital au XXIe siècle – Une coûteuse singularité française
Michel Didier et Jean-François Ouvrard, éd Economica, 2016
• Fiscalité du capital, activité et croissance : enseignements des modèles macroéconomiques
Jean-François Ouvrard, Document de travail N°56, février 2016
• Présidentielle 2017, Des promesses aux réalités, cinq scénarios possibles pour 2018-2022
Document de travail N° 62, mars 2017
• Les conséquences économiques des expatriations dues aux écarts de fiscalité entre la France et les autres pays
Document de travail N° 63, juillet 2017
• Do European Top Earners React to Labour Taxation Through Migration ?
World Inequality Database, Mathilde Muñoz
WID.world.Working Paper N.2019/12, septembre 2019
• Evaluation d'impact de la fiscalité des dividendes
Institut des Politiques Publiques, Antoine Bozio, Laurent Bach, Brice Fabre, Claire Leroy, Arthur Guillouzouic, Clément Malgouyres
Rapport N°26, 9 octobre 2019
• Quelles leçons tirer des réformes de la fiscalité des revenus du capital ?
Institut des Politiques Publiques, Antoine Bozio, Laurent Bach, Brice Fabre, Claire Leroy, Arthur Guillouzouic, Clément Malgouyres
Les Notes de l'IPP N°46, 15 octobre 2019
• Rapport sur l'évaluation de la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) et la création du prélèvement forfaitaire unique (PFU)
Sénat, Commission des Finances, Vincent Eblé et Albéric de Montgolfier
Rapport provisoire, 9 octobre 2019