La transition vers une économie décarbonée entrainera des restructurations d’activité et d’emploi que la politique publique devra accompagner. Une note du CEPII fait le bilan des plans sociaux intervenus dans l’industrie entre 1997 et 2019 en France. La situation durablement dégradée des salariés et des bassins d’emploi concernés montre que le processus de "destruction créatrice n’a pas fonctionné". Face au risque de désindustrialisation, l'action publique ne peut se borner à accompagner les "perdants" de la transition, mais doit viser le renforcement du système productif pour ne pas "rater le virage de l’industrie verte".

Afin d'anticiper les conséquences des restructurations d'activité et d'entreprises à venir dans l'industrie en raison de la transition énergétique, les auteurs font le bilan des plans sociaux intervenus dans l’industrie en France entre 1997 et 2019, en ce qu'ils témoignent de la capacité d'ajustement du marché du travail.

"Les plans sociaux se sont traduits par un fort coût individuel en matière d’emploi et de salaire". La probabilité pour un salarié licencié dans le cadre d’un plan social d’être en emploi "véritable" (avec un minimum d'heures travaillées et de rémunération) un an après le licenciement est ainsi de 21 points inférieure à celle d’un homologue non licencié. Pour ceux ayant retrouvé un emploi, le salaire est inférieur de 25% à celui des non licenciés. Une dégradation surtout sensible pour les moins qualifiés.

Ces plans n'ont pas généré une réallocation efficace de main d'œuvre, les salariés licenciés ayant majoritairement retrouvé un emploi dans des entreprises plus petites, moins performantes et qui investissent moins. Les mécanismes de "destruction créatrice" n’ayant pas fonctionné, les plans sociaux ont durablement marqué les bassins d'emploi concernés :

• Précarisation de l’emploi: six ans après le plan social, par rapport à une zone d’emploi semblable mais non touchée par des plans sociaux, la part d’intérimaires et de CDD dans l’emploi total est plus élevée (de respective 21% et 47%), et le taux de chômage également (+12%).

• Faiblesse des créations d’entreprises industrielles: elle est inférieure de 22% au bout de six ans, et la situation "se dégrade avec le temps et se propage aux autres secteurs".

Ce constat montre selon les auteurs les limites de l'accompagnement des "perdants" de la transformation structurelle et plaide pour des politiques de renforcement du système productif. "À l’heure où la concurrence internationale s’intensifie dans les secteurs d’avenir, rater le virage de l’industrie verte, c’est prendre le risque d’une nouvelle vague de désindustrialisation, aux conséquences durables pour les individus concernés et les territoires".

Synthèse par la Documentation de Rexecode, accès au document ci-dessous.

Vingt ans de plans sociaux dans l’industrie: quels enseignements pour la transition écologique ?
Axelle Arquie et Thomas Grjebine
La Lettre du CEPII N.435, mars 2023