Selon un rapport du Sénat, la crainte d’une "smicardisation" de la société française serait infondée. Face à l’inflation, les négociations salariales de branches se sont adaptées aux revalorisations successives du salaire minimum et le tassement des grilles salariales serait conjoncturel. Sont bien réels en revanche, les difficultés de certaines entreprises et la stagnation des salaires au long des carrières dans certains secteurs.

Avec le retour de l’inflation, "les négociations salariales au niveau des branches professionnelles et des entreprises ont été mises sous pression par l’enchaînement des revalorisations automatiques du smic".

Le rapport de la mission d’information sur les négociations salariales de la Commission des affaires sociales du Sénat publié le 12 juin constate que globalement, dans un cadre juridique qu'il juge pertinent, les négociations de branches ont su s'adapter au rythme de ces revalorisations, ce qui a permis de préserver le pouvoir d’achat des salariés.

Par ailleurs, l’existence de branches professionnelles structurellement non conformes au smic serait, selon les rapporteures, un "mythe infondé mais tenace" et la "chasse" aux branches non conformes "ne constitue pas un enjeu sérieux de politique publique". Seules 4% des branches présentaient un salaire minima hiérarchique (SMH) non conforme depuis plus de 8 mois.

La "smicardisation" de la société : un "faux débat" né d'un phénomène conjoncturel

La part des salariés rémunérés au smic a atteint 17,3% des salariés du secteur privé hors agricole début 2023 son plus haut niveau depuis 2014, et l’éventail des salaires s’est resserré dans 61,4% des branches entre fin 2022 et mars 2024. Cependant, ce phénomène de "smicardisation" (proportion accrue de salariés au smic) ne devrait pas s'installer.

Pour autant, le sentiment de "déclassement" est bien réel chez les salariés qui ont vu leur salaire rattrapé par le smic. Un phénomène prégnant dans le secteur social et médico-social.

Les hausses du smic ont induit des difficultés pour certaines entreprises

Soumises à la hausse des coûts, certaines entreprises ont dû limiter les augmentations de salaires pour préserver leur compétitivité-prix. Un effet illustré par l’enquête auprès des TPE/PME de février 2024 menée par Bpifrance et Rexecode, citée par le rapport, selon laquelle "plus des deux tiers des dirigeants se disaient contraints dans les augmentations salariales", principalement en raison du manque de marges financières de leur entreprise. (1)

Il existe "un réel problème de stagnation des salaires au long des carrières"

Selon le rapport, ce phénomène concerne particulièrement certains secteurs comme le commerce de détail ou l’hôtellerie-restauration et tourisme. Il nécessite de lever les freins structurels aux hausse de salaires.

Le rapport recommande donc :

- de soutenir une politique de formation ciblée sur les branches professionnelles afin que les salariés développent leurs compétences et leurs qualifications, en intégrant l’objectif de progression salariale ;

- à plus long terme, d’évaluer et de faire évoluer les dispositifs d’allègements de cotisations sociales, un outil efficace pour préserver l’emploi et la compétitivité, mais qui peut induire des effets de seuil susceptibles de désinciter l’employeur à augmenter les salaires, et entrainer une déformation de la progressivité du coût salarial – le rapport mentionne à ce sujet les indicateurs du coût de la main d’œuvre dans l’Union européenne publiés par Rexecode en janvier 2024.

- de renforcer la lisibilité des rémunérations en améliorant l’information des salariés concernant les compléments du salaire, notamment les dispositifs de partage de la valeur, primes, ou les avantages en nature.

Synthèse par la Doc de Rexecode, lien vers le document ci-dessous.

Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales par la mission d’information sur les négociations salariales
Sénat – Frédérique PUISSAT, Corinne BOURCIER, Rapport d’information N°689, juin 2024

(1) Depuis, Rexecode a conduit une nouvelle enquête sur les freins aux hausses de salaires auprès d'entreprises adhérentes du Medef, de l’U2P et de la CPME Paris Île-de-France. Les résultats sont présentés dans le document de travail N.91, Les freins à la progression des salaires: enquête sur l'impact des dispositifs socio-fiscaux en France (juin 2024).