L'économie française peinant à se relever de la crise, un discours volontariste pour une action publique ciblée sur l'industrie est de retour. Alors que la frontière entre industrie et services est devenue floue, le Conseil d’analyse économique propose de repenser à la fois l’objet de la politique industrielle et ses méthodes.

Déclin industriel ou changement structurel ? Le Conseil d'analyse économique constate que l’industrie peine à se relever de la crise, à cause du recul de la France sur le marché mondial et de la hausse du coût de la main-d’œuvre, notamment par rapport à l’Allemagne. Au-delà de ce constat, le CAE invite à réviser la grille de lecture de la désindustrialisation : le recul relatif de l’industrie française depuis 1970 serait surtout le reflet de la hausse nettement plus rapide de la valeur ajoutée dans les services sur la même période. Ce recul relatif est plus marqué en valeur qu’en volume. Il suit assez fidèlement le recul de la part de l’industrie dans les heures travaillées, liée à une très forte hausse de la productivité du travail.

Selon le CAE, une réactualisation de notre vision de l’industrie s'impose. La frontière entre industrie et services est devenue floue. Le périmètre des entreprises a changé avec le fractionnement des chaînes de valeur. De nombreuses entreprises industrielles produisent et vendent également des services, tandis que les services commercialisés ont souvent un fort contenu en produits industriels. Une partie des entreprises classées dans les services sont en réalité des entreprises industrielles ayant fractionné leur chaîne de valeur au niveau international. Le CAE redéfinit les notions d'"entreprise industrielle" et d'"industrie" en tenant compte des nouvelles formes d’organisation industrielle, en privilégiant la notion de propriété intellectuelle plutôt que la dimension physique des objets produits et en intégrant la production industrielle de certains services. Il conclut que "l’industrie change de nature et ne fait plus qu’une avec les services".

Cette vision moderne de l’industrie appelle une approche renouvelée de la politique industrielle. Plutôt que de soutenir des secteurs particuliers identifiés comme porteurs, l’Etat doit veiller à "corriger les échecs de coordination et de marché" qui pénalisent le développement de l’industrie et des services à haute valeur ajoutée : articulation entre recherche privée et publique, entre grandes et petites entreprises, fusions-acquisitions internationales, accès au financement… Au-delà de l’investissement dans la formation ou du soutien à la R&D, il faut repenser les politiques de compétitivité en les focalisant sur la productivité et l’innovation dans les secteurs à haute valeur ajoutée ; ainsi le périmètre des pôles de compétitivité devrait être réduit et recentré sur ces secteurs. Parmi ses recommandations, le CAE appelle également à revoir les règles de protection de la propriété intellectuelle, ou à combiner capital-risque privé et financements publics des projets.

Pas d’industrie, pas d’avenir ? Les notes du conseil d’analyse économique N°13, Lionel Fontagné, Pierre Mohnen et Guntram Wolff, juin 2014