Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Née après celle du Covid, la vague d'inflation a reflué à son tour. Parce qu'elle était, au moins dans sa première phase, liée à une forte hausse des prix des produits importés, elle a constitué pour l'économie française une perte estimée à environ 40 milliards d'euros. On peut désormais mesurer, qui des ménages, des entreprises ou des administrations publiques, a le plus supporté ce coût global. Les faits et chiffres permettent comme souvent de démentir certaines idées reçues.
La vague d'inflation qui s'est installée après le Covid a reflué. Un premier bilan peut désormais en être dressé. Amorcée dans la deuxième partie de l'année 2021, elle a conduit à une augmentation globale des prix à la consommation de 13% en France, soit 4% par an en moyenne, plus du double du rythme annuel moyen observé depuis le passage à l'euro fiduciaire en 2002.
Surtout, parce qu'elle est de nature importée, du moins dans sa première phase, cette inflation a constitué une perte pour l'économie nationale. Depuis 2021, la hausse des prix des produits importés (+16,5% en trois ans) a largement dépassé celle des prix des exportations (+12,9%). Cette "détérioration des termes de l'échange international" a exercé un prélèvement sur le revenu global de l'économie que l'on peut évaluer à environ 40 milliards d'euros.
La perte de pouvoir d'achat international de notre économie se répartit ensuite entre les différents agents économiques, et ceux-ci n'ont pas été affectés avec la même ampleur par ce choc. Au moment où le nouveau gouvernement formule ses premières annonces pour tenter de redresser notre dérive budgétaire, en faisant la part belle aux hausses de prélèvements sur les entreprises, établir la cartographie des gagnants et des perdants de cette période fait sens.
A l'approche du Budget 2025, alors que sont évoquées des hausses de prélèvements sur les entreprises, la cartographie des gagnants et perdants de la vague d'inflation est éclairante
Fait notable, et contre-intuitif, ce sont les ménages qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu. Le revenu disponible brut des ménages a davantage progressé lors des trois dernières années que le PIB, mesuré en euros courants : 19,5% contre 17,8%. En effet, si la dynamique des prestations sociales a été moindre que celle du PIB, la masse salariale reçue par les ménages a progressé un peu plus que le PIB. Leurs revenus financiers, quant à eux, se sont accrus de 41% sans empêcher pour autant une perte de valeur - latente - de leur patrimoine réel et notamment de sa composante immobilière.
Les administrations publiques n'ont, pour leur part, aucunement réduit le niveau de leur déficit entre 2021 et 2024. Il sera même probablement plus élevé en euros courants en 2024 qu'il y a trois ans, quand les mesures d'atténuation du choc du Covid jouaient encore. En 2024, la prévision du gouvernement d'un déficit public à hauteur de 5,1 % s'est trouvée déjouée pour être portée à un peu plus de 6 %.
Ménages plutôt gagnants, entreprises plutôt perdantes, même si ce n'est pas la représentation que les uns et les autres se font de la période, revenir aux faits et chiffres montre que notre tissu productif ressort fragilisé de la vague d'inflation.
Ce sont les entreprises non financières en leur ensemble qui sont in fine les perdantes de la période. Il n'y a qu'à regarder l'évolution relative de leur valeur ajoutée. En 2021, le poids de la valeur ajoutée dans le chiffre d'affaires des entreprises non financières s'établissait à 40,2% (et même à 41,2% en moyenne durant les 20 années précédentes). Il serait de 39,2% en 2024, et ce, malgré les efforts de sobriété des entreprises. Cette baisse d'un point représente 38 milliards d'euros de valeur ajoutée en moins.
Cette baisse de valeur ajoutée s'explique par l'incomplète répercussion dans les prix de vente du choc de coût des achats de produits et services indispensables à l'activité des entreprises. Cette répercussion incomplète a été absorbée de fait par les marges. Ainsi les marges des entreprises n'ont augmenté que 6,8% depuis trois ans, près de trois fois moins que le PIB.
Cette métrique du taux de valeur ajoutée n'est pas anodine: deux des secteurs qui en ont subi les plus forts reculs, à savoir celui des transports (-5,8 points depuis 2021) et celui des activités d'information et communication (-4,9 points), sont aussi ceux où les défaillances d'entreprises ont le plus rebondi en comparaison avec la période prépandémique. Le secteur de l'hébergement-restauration fait en revanche exception.
"Ménages plutôt gagnants, entreprises plutôt perdantes…" même si ce n'est pas la représentation que les uns et les autres se font de la période, il faut comme souvent revenir aux faits et chiffres pour mesurer que notre tissu productif ressort fragilisé de la vague d'inflation que nous venons de connaître. Chacun devrait l'avoir à l'esprit alors que s'ouvre la discussion sur le PLF 2025, dont la priorité doit plus que jamais être le "produire en France".
> Chronique de Denis Ferrand, directeur général de Rexecode, parue dans Les Echos (10/10/2024)
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