Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Au delà des idées reçues, si l'on s'en tient à la réalité statistique, on observe que le marché du travail des jeunes est certes caractérisé par la part importante des formes "atypiques" d’emploi et notamment les contrats précaires. C'est cependant la trajectoire d'emploi sur plusieurs années qu'il faut observer. Par ailleurs, plus que jamais, le diplôme est une protection réelle contre le chômage.
Le chômage des jeunes alimente, dans le débat public, de nombreux fantasmes et approximations. C'est pourquoi il convient de rester sur le terrain des données statistiques.
Le marché du travail des jeunes est caractérisé par la place importante des formes atypiques d’emploi (FAE). Par FAE, il faut entendre tout ce qui n’est pas contrat à durée indéterminée (CDI), ce qui fait un spectre assez large, mais il n'existe pas encore de définition statistique précise du sujet, à tel point que le Conseil national de l'information statistique (CNIS) a fait de ces FAE l'un de ses thèmes de travail.
Il devient en effet crucial d’avoir des chiffres précis quand on voit l’abondance des commentaires sur "la fin du salariat".
On sait qu’environ 90% des créations d’emploi se font en contrats temporaires ; mais 87% du stock d’emploi est constitué de CDI pour l’ensemble de la population en emploi !
Dans le cas des populations les plus jeunes, il est intéressant de constater que la part d’embauches en CDI est la plus forte à l’âge de 25 ans relativement à la moyenne de la population, mais que le stock de jeunes employés sous forme de contrats temporaires est en revanche plus élevé que la moyenne.
Toute la question est donc celle de la trajectoire dans l’emploi, et du statut de tremplin, ou pas, associé au contrat temporaire. De ce point de vue, les travaux du Centre d'études et de recherches sur l'emploi et les qualifications (CEREQ) sur la Génération 2010 (situation de l'emploi des jeunes sortis du système éducatif en 2010 quatre ans après, donc en 2014) donnent des éléments intéressants au même titre que les données fournies par Eurostat.
Contrairement à l'idée reçue qui voudrait qu'un jeune geek cherche à faire un business individuel à partir du développement d’une appli ou de l’exploitation d’une plate-forme numérique, le recours au non-salariat est bien moins répandu dans les classes d’âge les plus jeunes (les 20-29 ans) que dans celles d’un âge immédiatement supérieur (les 30-39 ans).
Ce constat vaut non seulement pour la France, où la part du non salariat est faible, quoiqu'en légère croissance, mais encore pour l’ensemble des pays de la zone euro où cette proportion est plus élevée, mais plutôt en décroissance depuis 2005. Le non-salariat s’inscrit en fait dans un parcours professionnel, plus qu’il ne se situe à son démarrage.
Sur la période récente, c’est dans les pays européens désormais proches du plein-emploi (l’Allemagne en particulier) que la part de l’emploi non salarié tend à baisser le plus vite. Plein-emploi ne rime donc pas forcément avec développement du non-salariat, ce qui illustre en creux le fait qu’une part probablement très importante de la création d’emplois non salariés est davantage subie qu’affaire de choix : on crée son petit business à défaut de trouver un emploi salarié. Mais dès que la situation du marché du travail s’améliore, on retrouve pour l’emploi salarié les yeux de Chimène !
L’évolution du recours au non-salariat, au-delà de la thématique légitime de l’aspiration accrue à l’entrepreneuriat, est aussi et en grande partie un reflet du fonctionnement du marché du travail. C’est donc bien la question de la part de l’emploi non salarié choisi ou subi qui est au centre du débat. A cet égard, les typologies dressées par le rapport de l’Institut de l’entreprise intitulé La France du Bon Coin sont éloquentes, mais malheureusement non chiffrées.
Sur le terrain de la formation, il convient de réaffirmer que le diplôme protège plus que jamais du chômage. L’écart entre le taux de chômage des personnes au plus haut niveau de formation et de celles ayant le plus bas niveau de formation n’a même jamais été aussi élevé pour ce qui concerne la catégorie des 20-24 ans comme pour l’ensemble de la population d’âge actif !
En 2014, selon les données d’Eurostat, le taux de chômage des 20-24 les plus formés est de 14,3% et plus bas qu’en 2005. Il est de 41% pour les moins formés. L’écart entre ces deux taux de chômage est de 27 points et est supérieur de 10 points à son niveau de 2005. L’ampleur de cet écart ne se retrouve dans aucun des autres grands pays européens. Cet écart est de 17 points en zone euro. Le constat vaut aussi pour les 25-29 ans avec un écart de 19,2 points des taux de chômage selon les niveaux de formation initiale en France en 2014, 3 points de plus qu’en 2005.
La question qui vient alors à l'esprit est celle de la présence ou pas d’une dégradation de l'adéquation entre le niveau de formation initiale et le type de poste occupé. Un effet domino peut s’exercer en amenant les plus diplômés à prendre des postes a priori plutôt dévolus à des jeunes moins bien formés. La question devient alors bien évidemment : "que fait-on de ceux qui sont au bout de la file ?", les moins formés. C'est à eux que doivent s'adresser des dispositifs publics sur mesure, et pas forcément à l'ensemble de cette catégorie bien floue que l'on appelle "les jeunes".
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