La France a enregistré une légère croissance de son PIB au troisième trimestre 2024 selon la première estimation des comptes nationaux de l'Insee. Dans le Figaro, Charles-Henri Colombier, salue cette progression de l'activité mais rappelle qu'elle est pour moitié issue d'un effet temporaire des JO 2024. Surtout, point marquant et préoccupant, l'investissement des entreprises est en net recul plombé, par les difficultés de l'industrie européenne, les pressions sur les marges des entreprises, et l'incertitude politique et budgétaire.

Le PIB a augmenté de 0,4% au troisième trimestre 2024, selon l'Insee. Est-ce une bonne nouvelle pour la France?

Ce chiffre de croissance était attendu puisqu'il correspond aux estimations récentes de l'Insee et de la Banque de France. Ce sont des données certes encourageantes mais qui sont aussi en trompe-l'œil, puisque près de la moitié de la croissance de ce troisième trimestre est liée à l'effet temporaire des Jeux olympiques. Alors que les billetteries et les droits audiovisuels ont largement participé à la croissance du trimestre, ces effets provisoires disparaîtront au prochain trimestre.

L'investissement enregistre un nouveau trimestre de baisse. Comment l'expliquer ?

Le net recul de l'investissement des entreprises est le point préoccupant de ces dernières données des comptes nationaux. Cette orientation à la baisse que l'on observe depuis plusieurs trimestres déjà est inquiétante. Elle est principalement portée par la baisse des investissements dans les produits manufacturés, avec une réduction de - 4,4% au troisième trimestre. Une baisse que l'on doit certes à certains changements de réglementation dans l'automobile mais plus largement au marasme qui touche l'industrie française et européenne. Celle-ci est en effet confrontée à une importante crise de compétitivité, prise en étau entre, d'un côté, une économie chinoise qui n'a pas connu de choc inflationniste, permettant aux industriels du pays de proposer des produits dont la compétitivité prix est supérieure aux produits industriels européens, et, de l'autre, les États-Unis, qui ont pris des mesures de soutien massif à l'investissement.

Mais si le fond du problème est lié à une compétitivité européenne en berne, la situation de profitabilité des entreprises françaises joue aussi défavorablement sur l'investissement. Les profits des entreprises européennes ne sont pas dans une dynamique très positive en ce moment, la hausse des faillites en France en étant un reflet. Face à une importante baisse de l'inflation, les entreprises peuvent difficilement augmenter leurs prix, alors même que les salaires, eux, sont en hausse. Dans un contexte où l'on ne constate plus de gains de productivité, le différentiel entre les prix et les salaires pèse sur les profits et sur leurs capacités d'investissement.

Le contexte politique incertain en France a-t-il aggravé cette baisse de l'investissement des entreprises?

S'il est assez difficile de déterminer les effets de la dissolution sur la conjoncture, des éléments laissent néanmoins penser que l'instabilité politique a eu des conséquences sur les décisions des entreprises. Ces dernières peuvent en effet être amenées à différer ou même annuler des investissements et des projets d'embauches, compte tenu de l'instabilité politique. L'enquête menée par Rexecode en partenariat avec Bpifrance auprès des PME a ainsi montré qu'environ une entreprise sur cinq aurait annulé des décisions d'embauche et d'investissement du fait d'une incertitude politique en France qui, à l'heure actuelle, n'est toujours pas levée.  Les discussions sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 à l'Assemblée Nationale, au cours desquelles les propositions de nouvelles taxes et impôts sur les entreprises ont fleuri, créent également un climat défavorable. Cela ne peut qu'inciter à la prudence sur l'orientation de l'investissement ces prochains mois, d'autant que les ingrédients qui permettraient de faire repartir à la hausse les investissements des entreprises ne semblent pas réunis.

Pourtant, la France est contrainte d'assainir ses finances publiques

C'est un exercice difficile mais impératif, qui pèsera aussi sur la croissance à court terme, car les dépenses publiques augmentent encore plus vite que le PIB. Il faudrait prioriser la réduction des dépenses de fonctionnement de l'État. Privilégier ce levier porterait moins préjudice aux potentiels investissements que la baisse des allégements de charges pour les employeurs ou que le retour des impôts de production préconisés par certains à l'heure actuelle.

La baisse des taux permet-elle de soulager les entreprises ?

La baisse des taux d'intérêt se verra surtout sur les taux à court terme. Du côté des obligations et des crédits aux entreprises, donc des taux d'intérêt à long terme, l'orientation à la baisse prendra plus de temps. Ce qui laisse craindre le maintien des défaillances d'entreprise à un haut niveau dans les trimestres à venir en France.

Propos recueillis par  Louise Darbon

> Article paru dans Le Figaro du 31 octobre 2024