La loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) qui devrait être présentée au Conseil des ministres début mai, comprendra des mesures visant notamment à lever les freins à la croissance et à la transmission des entreprises en France, ou encore à favoriser l'activité à l'exportation. Emmanuel Jessua analyse pour La Tribune la question des seuils fiscaux et sociaux et de la compétitivité des entreprises.

• Quel est le principal levier dans la loi Pacte qui permettrait de faire grandir les PME ?

Le manque d'Entreprises de taille intermédiaire en France est préoccupant, alors qu'un tissu dense et dynamique existe chez certains de nos voisins comme l'Allemagne. Notre déficit d'ETI tient à des causes multiples (structure sectorielle, transmissions, financement...). Pour faire grandir les PME en ETI, il y a donc une multiplicité de leviers possibles à activer. Même s'il est encore un peu tôt pour avoir un avis définitif sur les mesures décidées dans la loi Pacte, le projet de loi avance des pistes intéressantes pour simplifier les successions/transmissions des entreprises familiales par exemple. La transmission pourrait être ainsi facilitée au-delà des seuls héritiers.

• Que pensez-vous du possible assouplissement des seuils sociaux et fiscaux ?

L'assouplissement des seuils sociaux et fiscaux constituerait une autre piste pour faciliter la croissance des entreprises. Le gouvernement semble toutefois vouloir se concentrer sur la croissance des petites et très petites entreprises en privilégiant la simplification des seuils de 11, de 20 et de 50 salariés. Cet assouplissement peut être abordé de trois manières.

- La solution la plus radicale consiste à assouplir certaines obligations pour l'ensemble des entreprises.

- Une autre option serait de translater les obligations des entreprises vers des seuils plus élevés (les obligations des entreprises de 20 salariés et plus ne s'appliqueraient que pour les entreprises de 50 salariés et plus par exemple), mais cela présenterait l'inconvénient de renforcer les effets de seuils à des stades ultérieurs du développement des entreprises.

- Enfin, geler les obligations sur plusieurs années en cas de franchissement pérenne d'un seuil permettrait à l'entreprise de s'approprier et de mettre en œuvre les nouvelles réglementations qu'elle va devoir respecter.

S'agissant du développement de l'intéressement et la participation, l'incitation fiscale par une baisse du forfait social est sans doute préférable à la mise en place de nouvelles obligations pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Si la baisse du forfait social devait concerner l'ensemble des entreprises, la question du financement de la mesure se poserait de manière plus aiguë. La modification des seuils sociaux et fiscaux peut également représenter un manque à gagner pour certains secteurs économiques avec la baisse des contributions pour le secteur de la construction par exemple. La question est de savoir quelles sont les compensations possibles, sans alourdir les prélèvements obligatoires sur les entreprises et sans menacer le retour durable sous 3% de déficit public.

• Et sur les pistes évoquées pour améliorer la compétitivité des entreprises tricolores ?

Le projet de loi Pacte présente des solutions qui peuvent être intéressantes mais elles ne vont pas résoudre tous les problèmes de fond de l'économie française, en particulier la perte de compétitivité et le recul de l'activité industrielle par rapport à nos partenaires de la zone euro enregistrés depuis 2000.

En France, il faut poursuivre les efforts d'amélioration de la compétitivité-coût des entreprises (cotisations sociales et fiscalité de production, négociations salariales). Le poids des prélèvements obligatoires sur les coûts de production demeure supérieur à celui de nos voisins et les salaires progressent actuellement plus rapidement que la productivité.

S'il est fondamental de s'attaquer dès maintenant à des réformes de long-terme affectant la compétitivité hors-prix (formation, recherche, innovation...), compétitivité-coût et compétitivité hors-prix ne doivent pas être opposées. Une amélioration de la compétitivité-coût, en restaurant des marges et des capacités d'innover, peut contribuer à conforter voire améliorer le positionnement de gamme des produits.

Les expériences allemandes, depuis le milieu des années 2000, et espagnoles, depuis la crise, illustrent l'efficacité en termes de compétitivité d'un ajustement significatif des coûts de production. L'intensification de la concurrence et la suppression de certaines barrières à l'entrée constituent un autre levier important d'innovation et de baisse de coûts, qui semble malheureusement absent du projet de loi à ce stade.

Propos recueillis par Grégoire Normand

Article disponible sur le site de La Tribune