Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Tout est-il vraiment "en place pour la reprise" économique en France ? Denis Ferrand a répondu aux questions du site Atlantico. Extraits.
La France peut-elle profiter du rebond aux Etats-Unis ?
Plus qu’une impulsion directe de la croissance via la demande en provenance des Etats-Unis, c’est le décalage dans le timing de la politique monétaire qui peut créer des conditions propices à un petit surcroît de croissance en Europe en général et en France en particulier. Les hausses de taux seront plus précoces aux Etats-Unis qu’en zone euro, créant les conditions favorables à une nouvelle dépréciation de l’euro versus dollar. Toutefois, attendre de l’extérieur la réponse à notre absence de croissance supposerait que notre capacité à prendre les vents porteurs soit rétablie. Or s’il y a un point qui a fait défaut à la croissance depuis plus de quinze ans, c’est bien celui de notre compétitivité, notamment à l’exportation, avec en illustration un fléchissement durable de nos parts de marché, qui s’est encore prolongé dans les premiers mois de 2014.
Quels freins nationaux structurels nous faut-il encore lever ?
Aujourd’hui, outre le défaut de compétitivité, le frein majeur qui est à desserrer est celui du caractère aberrant de notre fiscalité du capital. Son architecture aboutit, dans un environnement de taux très bas comme pour la rémunération des placements sur une obligation d’Etat par exemple, à une imposition marginale du revenu du capital supérieure à 100%. Il s’agit là d’un véritable non-sens économique, qui décourage la prise de risque et l’investissement. C’est ce frein qui est à desserrer en priorité au moyen d’une convergence progressive de la fiscalité du capital vers les standards européens, ainsi que les allemands l’ont fait dans les années 2000 quand ils ont pris comme référence dans l’évolution de leur fiscalité sur le capital les taux moyens pratiqués en Europe.
Quels freins conjoncturels nous faut-il encore vaincre ?
Le principal frein conjoncturel est à rechercher dans la situation du secteur de la construction. Ce dernier est doublement pénalisé. D’une part, il pâtit de la chute de l’investissement en logements qui à elle seule a déjà coûté 0,4 point de PIB sur un an (l'équivalent de ce que l’on pourrait attendre au maximum d’une dépréciation du taux de change). D’autre part, le secteur est désormais handicapé par la chute de l’investissement public, notamment celui des administrations publiques locales.
Jusqu’à présent l’emploi dans la construction a assez bien résisté au retournement de l'activité. Alors qu'en 2014, le niveau d’activité dans la construction est inférieur de 17% à son niveau maximal atteint en 2008, l’emploi (salarié et non salarié) n’a pour sa part reculé "que" de 5% environ. Il est cependant peu probable que l’emploi puisse résister à une nouvelle chute d’activité.
Quelle politique économique ? Allègements ? Aides ?
Des mesures dans le sens d’un allègement du coût du travail entrent progressivement en application. On peut regretter le timing toujours très long entre le moment de l’annonce et celui de la mise en œuvre des mesures. Le Pacte de Responsabilité avec ses mesures très progressives est symptomatique de ces décalages : le discours sur l’urgence des réformes se réconcilie mal avec le temps effectif de leur mise en œuvre. La direction est la bonne, le mouvement est un peu lent, en somme.