Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Englué depuis les années 90 dans la déflation le Japon a adopté récemment une politique monétaire offensive. Existe-t-il des similitudes entre le Japon d'alors et la France d'aujourd'hui ? Quelles sont les marges de manoeuvre de la France pour retrouver une croissance durable ? Denis Ferrand a répondu à Atlantico.
Suite à l'éclatement d'une bulle financière au début des années 90, le Japon s'est enlisé dans une période de croissance faible, voire nulle, et de déflation. Les économistes ont même parlé de "décennie perdue". Quelles leçons peuvent être tirées pour la France d'aujourd'hui ?
" La France d'aujourd'hui et le Japon des années 1990 n'ont pas les mêmes "excès" à corriger. Au Japon, les prix de l'immobilier étaient montés à des niveaux hors-normes. Si les causes de la crise sont différentes, on peut relever des similitudes. Sur le plan démographique: dans les années 1990, le Japon entrait progressivement dans une phase de contraction de la population d'âge actif qui arrive maintenant en France. Sur le plan monétaire : le yen avait tendance à s'apprécier, à un niveau trop élevé pour passer le cap de la compétitivité.
Un déclin français ? La trajectoire démographique et celle de l'investissement (actuellement à l'arrêt) montrent que la France fait face à un affaiblissement du stock de capital disponible pour la production. Nous constatons aussi de longue date un fléchissement des gains de productivité et peinons à voir les éléments qui permettraient d'en assurer un redémarrage. Ainsi, du point de vue de l'offre, il n'y a pour le moment aucun élément de régénération de la croissance. Du côté de la demande, la consommation est stable depuis 5 ans.
On ne peut cependant parler de déclin, mais plutôt d'un changement de trajectoire : l'économie française devient de moins en moins apte à répondre au besoin de la population. Et la crise va accélérer ce processus : plus elle dure, plus le capital de production (le travail, l'emploi, les facteurs de productions...) risque d'être amputé.
Dans ce contexte, deux priorités pour l'Etat : (1) éviter l'éloignement durable de l'emploi, en faisant tout pour réinsérer les chômeurs de longue durée, (2) aider les entreprises à passer ce moment difficile, afin de préserver le potentiel de production et être à même de le mobiliser lorsque l'activité redémarrera. Beaucoup d'entreprises ont puisé dans leurs fonds propres, mais cela ne pourra durer. Une réforme des dispositifs de trésorerie serait de bon augure.
Le Japon mène depuis fin 2012 une politique monétaire offensive. La France, partageant une monnaie unique avec ses partenaires européens, dispose-t-elle des mêmes atouts pour se relever ?
L'histoire des 15 dernières années montre que la compétitivité est le maillon manquant de la croissance en France. La restaurer est le principal enjeu aujourd'hui. Le recours à la dévaluation monétaire n'est qu'un des outils, mais pas le seul. L'impossibilité de dévaluer l'euro ne justifie pas toutes les difficultés. L'Allemagne partage la même monnaie que nous et se porte pourtant beaucoup mieux. Le problème est donc ailleurs : il est structurel. Il faut trouver nos propres leviers de compétitivité : le tourisme, l'aéronautique, le luxe, le secteur pharmaceutique... la France dispose de nombreux atouts. A nous de les mobiliser...
Le Japon, la superpuissance conquérante des années 80... qui a perdu pied pendant les 20 ans qui ont suivi : quelles leçons pour la France ? Atlantico, 6 juin 2013
article complet disponible sur le site d'Atlantico