Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Les émissions de gaz à effet de serre sur le territoire français ont atteint un pic en 1973, l'industrie expliquant à elle seule près des trois quarts de la baisse depuis 1990. Le découplage croissant entre activité économique et émissions en France s'explique par la décarbonation du mix électrique et d’importants gains d’efficacité énergétique, en particulier dans l'industrie. Toutefois, la désindustrialisation a aussi contribué à faire baisser les émissions nationales, tandis que les émissions importées augmentaient fortement. Une situation peu vertueuse, d'autant que d'un point de vue climatique produire en France présente des atouts significatifs.
La France a engagé depuis plusieurs décennies la réduction de ses émissions territoriales de gaz à effet de serre. Depuis 1990, elles ont diminué de 31%, alors que la population a crû de 17% et le volume du PIB de 64%. Ce découplage croissant entre croissance économique et émissions est dû à la décarbonation de son mix électrique, mais aussi à d’importants gains d’efficacité énergétique, en particulier dans l’industrie. Ce secteur explique lui seul 71% de la baisse totale des émissions observées depuis 1990 (dont 52% pour la seule industrie manufacturière).
La France se distingue en Europe par une désindustrialisation d'ampleur spectaculaire qui s'est notamment accompagnée d'un recul des parts de marché à l’exportation et d'un fort déficit commercial. Ainsi, la part de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière dans le PIB est passée de 23% dans les années 1960 à un peu moins de 10% ces dernières années.
Pour mesurer l’impact de la désindustrialisation sur l’évolution des émissions de l'industrie, nous avons construit un scénario contrefactuel dans lequel la part de valeur ajoutée industrielle se serait maintenue au niveau nécessaire pour équilibrer la balance commerciale sur la période 1973-2023. Nous en concluons que 9% des baisses d’émissions de gaz à effet de serre du territoire français seraient imputables à la désindustrialisation. Cela signifie que 91% ont été obtenues par des évolutions vertueuses de l’efficacité énergétique et de décarbonation de l’énergie.
La désindustrialisation a contribué à la baisse des émissions françaises mais a surtout conduit à une hausse des émissions importées
Les émissions de CO2 associées à la consommation française de biens, qu'ils soient produits en France ou importés, diminuent depuis 2005. Ainsi, l'empreinte carbone de la consommation française a tendance à baisser mais les émissions importées ont augmenté de 32% entre 1995 et 2022. Les émissions incluses dans les produits consommés en France dépassent ainsi largement (de 35%) les émissions sur le territoire.
La baisse des émissions nationales s’est donc accompagnée d’une augmentation des émissions importées. Cette situation n’est pas vertueuse s’il s’agit d’importer depuis l’étranger des produits que nous aurions pu produire sur le territoire, en évitant beaucoup d’émissions carbone et en en retirant des bénéfices économiques.
La France présente une intensité carbone moyenne de l’électricité très faible et un potentiel de développement des énergies décarbonées (biomasse, bioénergies, etc.), et d’hydrogène décarboné. A l'heure où les entreprises doivent adopter des stratégies de décarbonation de leur émissions directes (scope 1), indirectes liées à leur consommation énergétique (scope 2) ou autres achats (scope 3), la France dispose d'un atout significatif par rapport à la plupart des autres pays. Cet avantage peut se décliner dans la plupart des secteurs industriels consommateurs d’électricité, de gaz, de chaleur, pour lesquels une offre française décarbonée existe ou peut être développée.
Du point de vue climatique, la France est une terre d’accueil très favorable au développement industriel. Créer les conditions d’attractivité et de compétitivité pour les entreprises devrait être une des grandes priorités de la stratégie économique et climatique française.
Produire en France devrait jouer un rôle clé dans la réduction des émissions nationales mais aussi mondiales. Créer les conditions économiques d’attractivité et de compétitivité nécessaires pour les entreprises sur le territoire devrait être une des grandes priorités de la stratégie économique et climatique française. C’est aussi la question du référentiel qui est posée: face à un bien public mondial qu’est le climat, la compréhension de l’empreinte carbone d’une économie, qui passe par sa production mais aussi ses importations, doit compléter, voire conduire à repenser, une politique climatique guidée jusqu’ici par la seule mesure des émissions sur son sol.
Documents de travail
Repères de politique économique
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