Focus
Perspectives économiques à court terme
Le rapport sur le marché unique et la compétitivité de la Commission européenne examine chaque année sur la base d’une batterie d’indicateurs clés les performances de l’UE en matière de compétitivité-prix, d’innovation, ou de digitalisation de son économie. L’édition 2025 souligne que, dans un contexte géopolitique défavorable, les entreprises européennes sont confrontées "à des difficultés pour se développer, innover et augmenter leur productivité". La Commission s’appuie sur ce "diagnostic partagé" pour placer la compétitivité au cœur de l’agenda de l’UE.
Le rapport annuel 2025 sur le marché unique et la compétitivité de la Commission européenne examine les principaux moteurs de la compétitivité européenne et de la productivité à long terme au sein de l’UE, ainsi que le fonctionnement de son marché unique, sur la base de 22 indicateurs clés de la performance. Le rapport inclut une évaluation des progrès réalisés dans la réduction du déficit d’innovation, dans la décarbonation de l’industrie et l’investissement, dans la sécurisation des approvisionnements et la réduction des dépendances extérieures.
Selon le rapport, la compétitivité de l’économie européenne "est soumise à une pression croissante de plusieurs côtés" : les prix de l’énergie et de l’électricité sont 2 à 3 fois plus élevés qu’aux États-Unis. Malgré une augmentation des taux d’emploi, la main-d’œuvre qualifiée est insuffisante. La situation géopolitique de plus en plus instable expose à des dépendances stratégiques. La productivité du travail de l’UE (PIB ajusté au pouvoir d’achat par heure travaillée) s’élève à 77,8% des niveaux américains en 2023.
En matière d’innovation, l’effort de recherche et développement est encore insuffisant, avec un taux de dépenses en R&D de 2,2% du PIB (en-deçà de la cible de 3%) en 2023 contre 5,2% en Corée du Sud ou 3,6% aux États-Unis. Le poids des opérations d'investissement en capital risque, déjà faible en 2022 (0,09% du PIB) a encore décliné en 2023 (0,05%), contre près de 0,5% aux États-Unis et de 0,4% en Chine.
La digitalisation des entreprises européennes est encore limitée. La part d’entreprises ayant au moins un niveau élémentaire en digitalisation est de seulement 57,7% contre une cible de 90% en 2030. D’autre part, l’Europe n’abrite que 263 entreprises "licornes", contre 1539 aux États-Unis et 387 en Chine (un tiers des "licornes" ayant décidé de se délocaliser depuis 2008). Et la part de l'UE sur le marché mondial des TIC a diminué de moitié au cours de la dernière décennie (à 10,8%), tandis que la part des États-Unis a augmenté d'un tiers (à 38%).
Les besoins en investissements dans les entreprises pour la transition écologique et numérique sont très importants. L’investissement privé est resté globalement stable ces dernières années, à environ 19% du PIB, à un niveau légèrement supérieur à celui des États-Unis. Le rapport souligne cependant que l'épargne privée est élevée (supérieure de près de 65% à celle des États-Unis) et mal fléchée vers l’investissement productif. Aux États-Unis, la part de l’épargne des ménages investie dans des obligations de sociétés, dans des actions ou des fonds d'investissement atteint 72% contre 43% en Europe. Une part importante de cette épargne (environ 300 Mds€ par an), est investie à l’étranger, principalement aux États-Unis.
Cette édition 2025 sert de cadre analytique à la communication de la Commission sur la "Boussole de la compétitivité", "feuille de route" visant à renforcer la compétitivité et redresser la croissance économique de l'UE. Elle alimentera également la réflexion en cours en termes de politique industrielle (futur Clean Industrial Deal) et de marché unique (Single Market Strategy à venir).
Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document ci-dessous.
The 2025 Annual Single Market and Competitiveness Report
COMMISSION EUROPÉENNE – European Competitiveness Report N°2025, COM(2025) 26 final, 29 janvier 2025
A Competitiveness Compass for the EU
COMMISSION EUROPÉENNE - Communication N° COM(2025) 30 final, janvier 2025
Cette "feuille de route" de Commission européenne, qui s'appuie sur les recommandations des rapports Letta et Draghi, retient trois axes : l'innovation, via le soutien aux start-up ; la décarbonation, en intégrant des objectifs climatiques ; et la diversification des chaînes d'approvisionnement pour limiter la dépendance à certains pays.
A ces trois piliers s'ajouteront cinq "catalyseurs" : la réduction des barrières au marché unique, la promotion des compétences adaptées aux besoins du marché, une meilleure coordination des politiques européenne et des Etats membres, une simplification des réglementations (réduction de la charge administrative d’au moins 25% pour les entreprises, voire d’au moins 35% pour les PME) et le financement de la compétitivité via l'épargne des ménages.
Voir aussi :
Benefit of an EU strategic innovation agenda - Cost of non Europe
EUROPEAN PARLIAMENTARY RESEARCH SERVICE - Study, janvier 2025
Compte tenu des évolutions géopolitiques en cours et du développement rapide des technologies de rupture qui redistribuent la valeur ajoutée, une action ambitieuse et stratégique au niveau de l'UE est nécessaire pour rester un acteur pertinent et influent au niveau mondial comme l'ont montré les rapports Letta et Draghi. Cette étude cherche à estimer les avantages d'une action coordonnée au niveau européen et présente trois scénarios distincts.
En modélisant l'impact potentiel sur le PIB, l'étude montre que lorsque les États membres agissent seuls (scénario 1), des bénéfices de +1,4% du PIB peuvent être attendus en 2035, par rapport au scénario de référence. Dans le cas d’une coordination et d’une coopération renforcées ainsi qu'une intermédiation modérée de l'UE (scénario 2) le gain serait de 2,2% du PIB en 2035, par rapport au scénario de référence. Dans une approche intégrée plus ambitieuse, avec une action des États membres fortement coordonnée et coopérative, grâce à l'intermédiation et à l'intervention de l'UE (scénario 3), les gains sont estimés à 4% du PIB en 2035, par rapport au scénario de référence. Le coût de la non-Europe, qui compare les résultats des scénarios 2 et 3 aux résultats du scénario 1, est donc estimé entre +0,9% et +2,6% du PIB en 2035.
Les politiques industrielles européennes : des avancées à préserver, des réformes à entreprendre
FONDATION JEAN JAURES - Anaïs VOY-GILLIS, Louis-Samuel PILCER, Dimitri ZURSTRASSEN, janvier 2025
Dans le contexte de guerre commerciale et technologique entre les États-Unis et la Chine, l'Europe risque "l'effacement" et doit préserver ou reconstruire ses filières industrielles stratégiques. Après un état des lieux de la situation de l’industrie européenne, les auteurs formulent des propositions pour que l'Europe retrouve sa souveraineté en la matière.