Focus
Perspectives économiques à court terme
Selon un rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale, le système de protection sociale peut, en dépit de son coût, contribuer à la croissance économique en France. A condition de s’appuyer sur des "stratégies bien choisies", notamment en pilotant au mieux les allègements de cotisations, en levant certains freins au retour à l’emploi, et en développant la prévention dans les politiques de santé, de sécurité et de qualité de vie au travail.
Elisabeth Borne, alors première ministre, a confié en juin 2023 au Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS) la mission d’analyser les relations entre le système productif et la protection sociale. Dans un contexte de vieillissement démographique et de déficit des comptes publics, l’enjeu du rapport du HCFIPS est d'élargir l'analyse au delà de la seule question du coût de la protection sociale, en examinant ses interactions avec la production et l'activité économique.
Le rapport rappelle que la Sécurité sociale est financée à 81% par les "revenus d’activité", principalement les salaires, sur lesquels sont prélevées des cotisations. Or, en l’absence d’alternative "miracle" (les taxes comportementales ne pouvant constituer "qu’un apport subsidiaire"), "les revenus d’activité ont vocation à rester une source fondamentale de recettes pour la sécurité sociale" qui a donc besoin d’une économie vigoureuse pour financer durablement un "haut niveau de prestations sociales".
Les cotisations patronales finançant la protection sociale représentent, hors exonérations, "environ 45% de la masse salariale". Le coût du travail a donc été "fortement contenu avec le développement des exonérations" depuis les années 1990. La récente période d’inflation a fortement gonflé le volume des allégements, occasionnant un coût important pour les comptes sociaux, la part des allègements dans la masse salariale étant passée de 9,7% en 2019 à 10,5% en 2024.
Le HCFiPS préconise d’une part un suivi régulier du poids des allègements dans la masse salariale, pour piloter au mieux ces réductions ; et d’autre part une réduction de la pente des allègements pour éviter de maintenir trop de salariés au niveau du Smic. Dans le contexte de resserrement de la grille salariale en période de forte inflation, une enquête menée par Rexecode pour le HCFIPS a en effet montré que 16% des entreprises jugent que la diminution des allègements de cotisations freine la progression salariale au voisinage du SMIC, le système socio-fiscal étant considéré par 8% d’entre elles comme le principal frein*.
En outre, les aides et prestations ne devraient pas désinciter au travail. Or, selon le rapport, si les réformes engagées depuis une quinzaine d’années (prime pour l’emploi, RSA, prime d’activité) ont permis de garantir que le travail paie plus que l’inactivité, il est encore nécessaire de lever certains freins au retour à l’emploi, liés par exemple aux coûts de transport et de garde des enfants.
Le HCFIPS souligne que les politiques de protection sociale peuvent favoriser la productivité ou le taux d’emploi, si elles reposent sur les "bonnes" stratégies. La protection sociale joue également un rôle de stabilisateur automatique en cas de crise.
Enfin, des marges de progression existent en matière de développement de la prévention dans les politiques de santé, sécurité et qualité de vie au travail. Par exemple, si les accidents du travail sont de moins en moins fréquents depuis 70 ans, leur gravité augmente, comme en témoigne la hausse du volume de journées d’incapacité temporaire. Le rapport préconise notamment "d’agir sur les marchés publics pour mieux comprendre en compte les conditions de travail des secteurs intensifs en main d’œuvre et marqués par une forte sinistralité", mais aussi d’œuvrer pour favoriser le retour à l’emploi des personnes en arrêt de travail et éviter le risque de désinsertion professionnelle.
Le HCFIPS réaffirme enfin la nécessité d’adopter une approche de moyen terme, et de "s’appuyer sur une trajectoire étayée de retour progressif des comptes sociaux à l’équilibre".
* Voir aussi la comparaison que Rexecode a réalisé à la demande du Syntec sur les prélèvements sur le travail dans les grands pays de la zone euro et aux Etats-Unis par niveaux de rémunération, qui permet de positionner la France en termes de coût du travail pour les employeurs et d’attractivité pour les salariés.
Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document ci-dessous.
Mieux concilier production et redistribution
Haut Conseil du financement de la protection sociale, janvier 2025, publié le 6 février
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