Un rapport de la Direction du Trésor montre que la transition vers la neutralité carbone représenterait pour la France un coût macroéconomique surmontable, très inférieur à celui de l’inaction climatique. Les effets sur l’endettement seraient limités si la transition est menée avec une combinaison d’instruments diversifiés, dont la tarification du carbone et le soutien à l’innovation.

Conformément aux Accords de Paris visant à limiter le réchauffement mondial à +1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et à la loi européenne, la France vise la neutralité carbone d’ici 2050. Sa stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3) fixe l’objectif de réduction de ses émissions brutes de GES (gaz à effet de serre) à -50% d’ici 2030. Une étude de la Direction générale du Trésor évalue l'impact macroéconomique et budgétaire de ces objectifs de décarbonation de l'économie française. "Elle s’appuie sur les travaux de planification écologique, la littérature économique et l’analyse des données disponibles".

Des coûts plus élevés à court et moyen terme

À court et moyen terme, la transition aurait un impact négatif sur la croissance économique (-0,5 point de PIB en 2030). D’une part, le renchérissement du coût relatif des émissions de GES, via la fiscalité ou la règlementation notamment, réduirait le niveau d’activité de 0,9 point par rapport à un scénario sans mesures de décarbonation supplémentaires. D’autre part, les investissements supplémentaires nécessaires nets des désinvestissements dans les activités émettrices de GES, soutiendraient la croissance à hauteur de 0,4 point.

Des bénéfices sont néanmoins attendus à moyen et long terme, avec notamment des gains de productivité dans les technologies bas-carbone. Surtout, "la transition permettra d’améliorer plusieurs dimensions de la sécurité d’approvisionnement et de souveraineté énergétique" ainsi que la balance commerciale, les produits fossiles étant principalement importés en France (à hauteur de 75 Mds€ en 2023).

Le prix du carbone, un outil puissant

La DG Trésor rappelle que "donner un prix au carbone, via la fiscalité ou des systèmes de quotas d’émission échangeables, déclenche les actions de décarbonation avec le meilleur rapport coût-efficacité, et encourage l’innovation bas-carbone par les entreprises, cruciale pour la productivité future".

La tarification carbone en France est "bien supérieure" à la moyenne avec, en 2023, 71% des émissions de GES couvertes (net des subventions), à un niveau moyen de 91 €/tCO₂éq, contre respectivement 41% et 17 €/tCO₂éq) au niveau mondial en 2021. La tarification carbone française est toutefois inégale entre secteurs et insuffisante pour atteindre les objectifs de décarbonation.

En l’absence d’un prix du carbone mondial, "des prix différenciés par pays ou zones géographiques, notamment couplés avec des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières (MACF), sont des instruments de politique climatique pertinents".

Des investissements importants, un impact limité sur la dette publique

La décarbonation nécessitera d’importants investissements privés et publics qui pourraient s’élever en France à environ 110 Mds€ bruts supplémentaires par an d'ici 2030 par rapport à 2021 (estimation basée notamment sur les travaux de Rexecode). Les économies d’énergie induites par ces investissements en réduiront le coût net. Les investissements "bruns" baisseraient en parallèle.

Les politiques de transition auront un coût "très incertain" pour les finances publiques. Toutefois, selon l’étude, "une transition menée avec une combinaison d’instruments diversifiés, dont la tarification du carbone, pourrait avoir un effet limité sur l’endettement public, en dépit de l’érosion des recettes fiscales sur les énergies" (-10 Mds€ en 2030 et -30 Mds€ en 2050 par rapport à 2019).

Enjeux de la transition pour l’industrie française

L’industrie française figure parmi les moins carbonées au monde. Les émissions directes de GES de l’industrie manufacturière ont diminué de 51% entre 1990 et 2022 en France alors que sa production a augmenté de 49% en volume. Une performance due notamment à la disponibilité d’une électricité décarbonée mais aussi à la désindustrialisation, ainsi que l’a souligné une étude de Rexecode. La transition impliquant une transformation technico-économique majeure pour les industries fortement émettrices, le rapport recommande notamment de poursuivre les dispositifs de soutien à l’innovation bas-carbone,  tels que France 2030 ou le fonds pour l’innovation européen.

Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document ci-dessous.

Les enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone - Rapport final
Direction générale du Trésor, 27 janvier 2025