Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Le Premier ministre a promis pour 2013 une réforme du financement de la protection sociale afin d'alléger les charges pesant sur le travail. Denis Ferrand examine pour le magazine Liaisons sociales les diverses options de transfert des cotisations vers la fiscalité et souligne l'impératif d'une maîtrise des dépenses.
Le magazine Liaisons Sociales a demandé à trois économistes (Denis Ferrand de Coe-Rexecode, Bruno Palier du Centre d'études européennes, Hervé Boulhol de l'Ocde) leur avis sur la réforme du financement de la protection sociale.
Denis Ferrand : "Le projet d'allégement du coût du travail grâce à un basculement des cotisations sociales vers la fiscalité fait son chemin dans le débat public. Les trois réceptacles envisagés pour le transfert de charges pesant sur le travail - la TVA, la CSG et la fiscalité environnementale - présentent tous des inconvénients parmi lesquels il est nécessaire d'arbitrer.
- Un basculement sur la CSG permet de faire contribuer toutes les formes de revenu, à l'exception des produits importés, une contribution que permettrait, en revanche, un transfert sur la TVA.
- Le transfert vers la TVA apparaît comme le dispositif le plus efficace quant à son impact sur la compétitivité. L'abandon du projet de TVA sociale a cependant condamné cette option.
- Le basculement sur la fiscalité environnementale, présente un inconvénient majeur et paradoxal dans l'objectif qui lui est assigné. Si la fiscalité écologique est efficace, elle induit une réorientation des comportements vers des modes de consommation moins polluants. La taxe verrait donc se réduire sa base fiscale et les recettes associées. Une telle évolution est difficilement conciliable avec un objectif de financement de dépenses de protection sociale à vocation pérenne, à moins d'imaginer un relèvement régulier du taux de la taxe à mesure que se réduirait la base.
Une quatrième voie ne comporte aucun des obstacles précédents : celle de la maîtrise de la dépense.
Elle implique de définir précisément les objectifs qui sont assignés aux dépenses et le périmètre du public qui en bénéficie. Aujourd'hui, les dépenses sociales représentent plus de 32 % du PIB. C'est le niveau le plus élevé en Europe. À législation inchangée, et avec la hausse probable des dépenses de santé et de retraite, ce poids pourrait s'accroître d'un peu plus d'un demi-point de PIB d'ici à dix ans.
Deux moyens s'offrent à nous pour enrayer cette dérive spontanée :
• soit une maîtrise générale des dépenses au moyen, par exemple, du gel de l'ensemble des prestations,
• soit des mesures plus catégorielles visant à recentrer la dépense sur le public qui en a le plus besoin.
Renforcer l'efficacité de notre système de protection sociale tout en réduisant son coût et en favorisant la restauration de la compétitivité nationale relève d'un exercice d'équilibriste. Nous n'échapperons pas à la nécessité de définir, sur le plan politique, les objectifs associés à nos dispositifs de solidarité.