Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Un appel à "sortir de l’impasse économique" a été publié dans la presse par 80 économistes. Faut-il une autre politique économique en France ? A cette question du journal La Croix, le directeur général de Coe-Rexecode répond que le redressement de la compétitivité de notre économie doit rester la priorité du gouvernement.
L’Europe est en phase de reprise, et les signataires de l’appel à changer de politique économique l’oublient. Il me paraît donc difficile de diagnostiquer, comme eux, un échec de la stratégie menée en Europe depuis la crise de 2007. De fait, la zone euro sera la seule région du monde, ou presque, à voir sa croissance accélérer cette année, alors que les États-Unis ralentissent et que les pays émergents traversent de grosses difficultés. L’Europe du Sud, Grèce exceptée, est à la pointe de cette tendance. L’Espagne a créé 500 000 emplois l’an dernier et l’activité a crû de 3,5%.
En France au contraire, le retour de la croissance a été entravé par une austérité absurde, consistant exclusivement en un choc fiscal monstrueux – des hausses d’impôts contre-productives –, plutôt que de réfléchir à la manière de réduire nos dépenses publiques. Or aujourd’hui, nous sommes le pays qui a le plus de mal à redémarrer en zone euro – rythme de l’activité, créations d’emplois…
Cette erreur de politique économique a fini par être reconnue lorsque François Hollande a lancé le CICE, puis le pacte de responsabilité, afin d’accroître la compétitivité des entreprises françaises.
La priorité aujourd’hui est de maintenir cette ligne, pas de faire marche arrière comme semble le suggérer Manuel Valls. D’abord, parce que les chefs d’entreprise ont avant tout besoin de visibilité. Cela passe par un environnement juridique, fiscal et réglementaire stable. Ensuite, parce que le pays a besoin d’une politique de l’offre, afin d’améliorer la compétitivité des entreprises, et in fine la création d’emplois. Cette stratégie met du temps à porter des fruits, donnons-lui du temps.
La visibilité participe aussi à rétablir la confiance, condition nécessaire pour encourager les chefs d’entreprise à investir. En France, ces derniers mettent aussi en avant l’absence de réformes structurelles, en particulier sur le marché du travail, pour expliquer leur frilosité à investir.
Enfin, dénoncer l’austérité budgétaire n’est plus d’actualité. Elle est devenue nulle à l’échelle de la zone euro, contrairement à la période 2011-2013. De même, les coûts salariaux qui avaient beaucoup baissé – après des années d’augmentation disproportionnée – se stabilisent dans les pays concernés. Et la menace de déflation est aussi en train de disparaître.
Cela n’exclut pas d’agir sur la demande, à condition de ne pas accroître les dépenses de fonctionnement d’un État. Mais la priorité d’une politique économique doit être de développer une offre compétitive. Parce que nous ne vivons plus dans un monde abrité de la concurrence étrangère.
Propos de Denis Ferrand recueillis par Marie Dancer
Dossier complet parus dans La Croix le 18 février 2016
Appel des 80 économistes "pour sortir de l'impasse économique" Le Monde, 10 février 2016