Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Le gouvernement a confirmé vouloir respecter nos engagement européens en revenant sous les 3% de déficit dès 2017. L'expérience récente a montré que les hausses d'impôt ont un coût élevé en termes de compétitivité et de croissance. La réduction de la dépense publique est la moins mauvaise solution, mais il faut aussi engager une vraie réflexion collective sur les contours et l'efficacité de la sphère publique.
Selon Emmanuel Jessua, directeur des études interrogé par le journal La Croix, "réduire les dépenses publiques n’est jamais totalement indolore et comporte donc un risque pour la croissance, principalement à court terme.
Mais il est absurde de ne regarder que cet aspect du problème en oubliant de voir le prix des solutions alternatives."
• L’idée qu’aucun ajustement n’est nécessaire n’est évidemment plus crédible.
La France ne peut pas laisser sa dette publique augmenter indéfiniment, avec des déficits dépassant 3% du PIB. À cette contrainte interne s’ajoute un élément extérieur. Emmanuel Macron a mis au cœur de sa stratégie économique l’intégration renforcée de la zone euro. Or cela ne sera possible qu’en renouant un lien de confiance avec l’Allemagne et ce lien nécessite que la France restaure sa crédibilité budgétaire et entame des réformes structurelles.
• Faute de réduire les dépenses, la seule autre solution serait d’augmenter les impôts.
Or, nous avons vu, entre la fin du quinquennat Sarkozy et le début du quinquennat Hollande, les effets pernicieux de cette politique sur notre économie. L’augmentation d’impôt, notamment sur les entreprises, se paie au bout de deux ou trois ans par une compétitivité dégradée, ce qui pénalise la capacité à investir ou à embaucher et réduit donc la croissance.
• Baisser les dépenses peut donc être douloureux économiquement sur le court terme, mais c’est la moins mauvaise des solutions
C’est aussi la seule solution qui permet de redonner de l’oxygène aux acteurs économiques. De plus, nous sommes dans une période de reprise et c’est justement dans ces moments que la réduction des dépenses publiques est le plus aisée à mener, tout comme d’ailleurs les réformes structurelles. La réforme du travail, par exemple, peut se traduire par un petit rebond des licenciements à court terme, mais c’est aussi la meilleure façon de permettre une augmentation durable des embauches.
• Mais on ne peut se satisfaire de la seule méthode du rabot
Il est également possible de limiter l’impact de la baisse des dépenses publiques en privilégiant des économies intelligentes. On ne peut se satisfaire de la seule méthode du coup de rabot qui consiste à couper les crédits dans la même proportion partout. Il faut également regarder dans le détail là où des gains de productivité sont possibles dans l’administration.
Cette politique chirurgicale doit aussi s’accompagner d’une vision plus large. Il pourrait notamment être envisagé de déplacer le curseur des missions de l’État. Il faut préserver les dépenses utiles à l’avenir (éducation, formation, infrastructures…), ce qui n’interdit pas de réfléchir à une meilleure efficacité de ces dépenses. Et faire des choix clairs et assumés collectivement dans d’autres domaines (retraites, politique du logement…).
La France est un des seuls pays en Europe à ne pas être repassé sous la barre des 3% de déficit. D’autres y sont parvenus et en tirent aujourd’hui parti, y compris en termes de croissance. La France aussi peut et doit le faire.
Propos recueillis par Mathieu Castagnet
La réduction des dépenses publiques peut-elle nuire à la reprise ? article du 6/7/2017 disponible sur le site du journal La Croix