Une comparaison internationale menée par le Conseil d’analyse économique montre que la France est encore loin du "plein emploi" et qu’elle dispose de marges de manœuvre pour augmenter sa quantité totale de travail. La note analyse notamment les viviers d’augmentation de la participation au marché du travail selon l’âge, le sexe et la qualification, en prenant en compte la productivité de ces heures travaillées supplémentaires. Le CAE conclut que les politiques publiques devraient cibler en priorité la hausse du taux d’emploi des jeunes – et notamment des moins qualifiés – des seniors et des femmes.

Pour une économie, atteindre le "plein emploi", suppose, au-delà de la réduction du taux de chômage, de mobiliser pleinement la population en capacité de travailler.

Dans une note, le CAE examine la quantité totale de travail réalisée en France sur longue période et en comparaison internationale. L’analyse montre que la France est loin du plein emploi, le nombre total d’heures travaillées par habitant et par an y étant plus faible qu’aux Etats-Unis (avec un déficit de l’ordre de 300 heures) et en Allemagne ou au Royaume-Uni (déficit de 100 heures). Le Conseil d’analyse économique (CAE) analyse les marges d’augmentation de la quantité de travail en France, qu’il s’agisse du taux d’emploi avec une augmentation de la participation au marché du travail (marge extensive) ou du nombre d’heures travaillées par les personnes en emploi (marge intensive).

Le faible taux d’emploi en cause

Selon le CAE, l’écart avec les autres pays n’est pas dû à un nombre plus faible d’heures effectuées par les personnes en emploi, mais s’explique par un taux d’emploi plus faible en France. Cet écart de taux d'emploi viendrait entièrement des jeunes et des seniors.

Chez les jeunes, la France se distingue par une insertion particulièrement lente et difficile sur le marché de l'emploi.  Parmi les seniors, c’est parmi les 60-64 ans que le taux d’emploi français (45%) reste en retrait (entre 56 et 65% dans les autres pays étudiés) malgré une remontée progressive due aux réformes successives des retraites.

Par ailleurs, la contribution du travail féminin "s'essouffle". La hausse du nombre d’heures travaillées des femmes stagne depuis 2010 et la durée du travail des femmes reste inférieure de plus de 20% à celles des hommes. Enfin la note souligne une spécificité française: un "effondrement" du travail des peu qualifiés avec un recul de 40% en 30 ans du nombre total d'heures de travail des hommes peu qualifiés.

Les leviers d'augmentation de la quantité de travail en termes de politiques publiques

Selon le CAE, la focalisation du débat sur des politiques qui s’attachent à la marge intensive du travail, du type réduction des jours de congé, dérégulation des heures de travail, défiscalisation des heures supplémentaires, semble "peu pertinente".

A sein de la marge extensive, la note recommande de donner la priorité aux politiques encourageant la participation (des seniors, des femmes, et surtout des jeunes et notamment des NEETs - ni en emploi et ni en études, ni en formation) plutôt qu’aux politiques "exclusivement centrées sur la réduction supplémentaire du taux de chômage". Du côté des seniors, le CAE note que certaines des réformes des retraites n’ont pas encore produit d’effet sur la participation des seniors au marché au travail après 62 ans, mais que les taux d’emploi des 60-64 ans sont "susceptibles de continuer leur progression dans les années à venir".

Synthèse par la Doc de Rexecode, accès par le lien ci-dessous.

Objectif "plein emploi" : pourquoi et comment ?
Conseil d'analyse économique  - Antoine Bozio, Camille Landais, Jean Ferreira, Alice Lapeyre, Mariane Modena, Focus N°110, 4 mars 2025

Voir aussi :

Dans une note sur les enjeux et leviers de l’augmentation de la quantité de travail en France, publiée le 10 mars, Rexecode confirme que l’impact sur le PIB d’un surcroît de travail dépend de sa productivité marginale. L’auteur, Olivier Redoulès, propose une estimation de la hausse du PIB générée par une convergence de la quantité de travail en France vers quelques pays européens, selon plusieurs scénarios de productivité (scénario bas avec une quantité de travail additionnelle rémunérée au smic, scénario haut plus proche du salaire médian) : la hausse de PIB serait dans une fourchette de 2 à 4% en convergeant vers la moyenne européenne, et de 3 à 6% vers l’Allemagne par exemple.

Il recommande d’évaluer les leviers d’action en fonction de leur impact sur les finances publiques. A cette aune, le report de l’âge effectif de départ à la retraite, comme dans les pays d’Europe du Nord, semble le plus pertinent.