Pour "désmicardiser" l’économie française, Antoine Bozio et Etienne Wasmer proposent des mesures de nature à redynamiser les salaires, en réduisant notamment les allègements de cotisations sociales employeur au niveau du smic. Une telle réforme limiterait les trappes à bas salaires et aurait un effet légèrement positif sur la création d’emploi. Plus largement, les deux économistes préconisent de simplifier massivement le mode de financement du système de protection sociale français.

A l’issue de la conférence sociale d’octobre 2023, la Première ministre Elisabeth Borne a confié aux économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer la mission d’évaluer l’impact des allègements de cotisations sociales sur la progression des salaires. Leur rapport dresse un état des lieux de trois décennies de politique de réduction de cotisations sociales et examinent plusieurs pistes d'évolution, en tenant compte de leurs effets potentiels sur l’emploi, les entreprises et les finances publiques.

Dans leur scénario central, les auteurs proposent de réduire les exonérations de 4,05 points au niveau du smic et de supprimer les taux réduits maladie et famille au-delà de 1,6 fois le smic. Ce qui "permet d’abaisser fortement la pente des allègements pour un point de sortie à budget constant autour de 2,5 smic". Les cotisations patronales seraient ainsi plus élevées entre 1 et 1,2 smic, plus faibles entre 1,2 à 1,9 smic et redeviendraient plus élevées de 1,9 à 3,5 smic.

Revalorisation des salaires au niveau médian

Le coût du travail au niveau du smic augmenterait, mais les salaires au niveau médian seraient revalorisés.

Cette réforme permettrait de réduire d’environ 10% le coût pour les employeurs d’une progression des salaires en dessous de 1,6 smic. Ainsi, en prenant en compte la dégressivité de la prime d’activité et les prestations sociales, augmenter un salaire au smic de 100 euros coûterait à un employeur 430€ au lieu de 483€ aujourd’hui.

L’effet sur la progression des salaires serait positif : "entre 2,7 et 5,5 Mds€ supplémentaires en termes de masse salariale grâce aux augmentations de productivité et d’efforts d’une pente plus faible des exonérations", estiment les auteurs.

L’impact sectoriel serait modéré  : une majorité de secteurs "perdants" en termes d’exonération sur les bas salaires y gagneraient sur les salaires intermédiaires.

Les effets sur l’emploi seraient légèrement positifs, "de l’ordre de 10 000 à 20 000" emplois selon les hypothèses (+9460 équivalents temps plein créés dans le scénario central). L’effet sur l’emploi industriel serait légèrement positif, "alors même que les exonérations ont été réduites sur les salaires plus élevés".

"Manque criant de lisibilité"

Le rapport propose également une réflexion plus globale sur le financement du système de protection sociale, "qui pâtit d'un manque criant de lisibilité et de stabilité". Il propose notamment une simplification massive, de limiter à deux barèmes seulement les exonérations de cotisation sociale, de simplifier la définition de l’assiette des cotisations sociales et des exonérations de cotisations sociales sur l’assiette des revenus d’activité utilisée pour la CSG. Et de rendre plus lisibles les cotisations sociales en faisant en sorte que les cotisations salariales correspondent aux cotisations contributives (qui apportent des droits sociaux individuels aux assurés).

Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document ci-dessous

Les politiques d'exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire

Antoine BOZIO, Etienne WASMER, 3 octobre 2024

Le code utilisé pour les simulations, le travail sur les données DADS ainsi que la documentation du code sont mises à disposition par les auteurs.