Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
Avec le retour à la "normale" après des crises majeures, la soutenabilité des finances publiques et la situation financière des entreprises reviennent en tête des préoccupations en France. Dans le même temps, les besoins de financement sont colossaux, notamment pour la transition climatique, et les entreprises françaises restent désavantagées par le poids élevé des prélèvements obligatoires. Face à ces défis, Denis Ferrand propose d'engager une réflexion sur les rôles respectifs de l'Etat et des entreprises, en visant d'abord l'efficacité à moindre coût.
Aujourd’hui, seule l'agence Fitch a dégradé la note de la France, cela n’a pas de conséquence sur le coût du risque associé à sa dette. Si deux agences sur trois l'avaient fait, cela aurait créé une désincitation à la détention de la dette française. Cette dégradation était avant tout un geste de nature politique, avec une interrogation sur l’aptitude à piloter des réformes en France.
Aux demandes de baisse des impôts de production sont souvent opposés les "aides aux entreprises". Or, le chiffre de "200 milliards d’aides aux entreprises" est l'addition d'un pèle‑mêle de dépenses (prise en charge de la dette de la SNCF, Crédit Impôt Recherche, allégements de charges, etc..) dont la plupart font des entreprises les instruments de décisions de politiques publiques. Et malgré ces aides, le poids des prélèvements nets reste plus élevé que chez nos voisins.
Les baisses d’impôts n'ont pas de sens si l’on ne met pas en face les conditions de leur financement. Cela implique une gestion beaucoup plus saine, qui réfléchit sur les espaces respectifs de l’intervention publique et du rôle des entreprises.
Oui. Le rôle de l’État est de définir l’action publique, de la contrôler, d’en vérifier l’efficacité sans forcément l’exécuter lui-même. Il faut chercher qui peut agir de la façon la plus efficace.
Les pays nordiques ou le Canada ont réduit de manière importante leurs dépenses publiques. Dans ces pays, le secteur privé est monté en puissance dans la fourniture des biens ou services considérés comme publics, sans dégradation de leur classement Pisa (éducation) ou de l’appréciation de leur santé publique. Aux entreprises de montrer leur efficacité à rendre le service à moindre coût.
En France, le malaise des classes moyennes n’est pas tant le consentement à l’impôt que la perception d’une dégradation des services publics. Elles paient des impôts, ont le sentiment que les classes inférieures et supérieures y échappent, et elles se retrouvent parfois à recourir à des services privés et par là même à payer deux fois.
40% des TPE / PME avancent l'environnement comme motif d'investissement, contre 25% avant la pandémie selon le baromètre Bpi France le lab / Rexecode. Lorsqu’on leur demande plus précisément leur motivation, c’est avant tout par conviction personnelle. Nous sommes donc loin du greenwashing.
Les besoins d’investissements sont énormes et sujets à des incertitudes. Il existe un angle mort de l’analyse économique: la prise en compte des coûts échoués. Nous voyons l’investissement nouveau nécessaire, mais pas combien l’accélération de la transition énergétique viendra faire perdre de valeur au capital installé. Quelles seront les technologies, les sources d’énergies les plus pertinentes?
Dans ce contexte, laissons toute sa part à l’entrepreneur au lieu de tout financer par la dépense publique. Être entrepreneur, c’est prendre des risques. Le rôle de l'Etat est davantage de garantir le capital qui sera investi.
Avec les PGE, l’État a assuré la survie des entreprises en garantissant le défaut, s’il devait avoir lieu. En facilitant l’accès à des liquidités, la puissance publique a permis aux entreprises de gérer la crise sanitaire plus efficacement qu'avec des aides. Nous ne sommes pas sur de la dépense, mais sur de l’endettement qui peut être réversible.
Dans le même esprit, Rexecode propose de créer des fonds à capital garanti,qui permettent de drainer l’épargne des ménages, l’isoler du risque et la flécher vers la transition environnementale. Il y aussi une réflexion importante à mener sur les analyses coûts/bénéfices des abattements. Par exemple, comment faire pour mettre en place des abattements d’émissions de carbone les moins onéreux possibles? On peut là s'inspirer de l'exemple des États-Unis.
Il y a en France une fatigue de la réforme. Plus qu’une réforme, ce qu’il faut c’est une réflexion sur ce qui est à chaque fois le plus efficace.
Article basé sur une interview de Denis Ferrand par Bernard Cohen-Hadad, parue dans Mutations, magazine de la CPME Paris, N.3, été 2023.
Repères de politique économique
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