Focus
Synthèse conjoncturelle hebdo
La Cour des comptes a réalisé un bilan de dix ans de politiques publiques en faveur de l'industrie française en prenant comme point de départ le rapport Gallois qui recommandait en 2012 un "Pacte pour la compétitivité de l'industrie française". Malgré la succession des programmes de réindustrialisation et la forte augmentation depuis 2020 des moyens budgétaires alloués au soutien à l'industrie, l'efficacité de ces mesures est "inégale" et la situation du secteur reste "fragile".
La Cour des comptes, à la demande de l'Assemblée nationale, établit un état des lieux des forces et des faiblesses de l'industrie française et un bilan des moyens mobilisés entre 2012 et 2022, suite aux transformations de la stratégie industrielle française suscitées par le rapport Gallois. Elle s’appuie notamment sur un ensemble de rapports, dont plusieurs études Rexecode, et notamment sa méthodologie pour estimer les prélèvements et dépenses fiscales en faveur de l’industrie.
Après avoir "décroché plus fortement que chez nos voisins" au début des années 2000, le poids économique de l'industrie, incluant l’énergie et l’industrie manufacturière, s'est stabilisé récemment à un niveau bas, environ 14% du PIB entre 2011 et 2019, "avant d'atteindre 15% en 2023 en raison du rebond du secteur de l'énergie".
Entre 2000 et 2019, la valeur ajoutée industrielle a augmenté de 20% en France, contre 61% en Allemagne et 28 % en Italie. La part de l'industrie manufacturière stagne à 11% de la valeur ajoutée, "nettement inférieure" à celle de l'Allemagne (21%) et de l'Italie (17,5%). La part de l’industrie française dans les exportations européennes a diminué et le solde commercial avec les pays de l’UE s’est dégradé de 2012 à 2022.
Certes en augmentation depuis 2017, l’emploi industriel s’est stabilisé à 10% de l’emploi total, un niveau "nettement plus faible" qu'en Italie (17%) ou en Allemagne (18%), ce qui s'explique par la part des industries manufacturières.
Les écarts de compétitivité-coût avec les autres pays européens ont été réduits depuis 2014. Grâce au CICE et à la réduction des cotisations sociales, le coût horaire du travail est désormais équivalent à celui de l’Allemagne, mais reste supérieur à celui de l’Italie ou de l’Espagne. De même, la diminution du taux de l’IS et des impôts de production a fait baisser le taux effectif de taxation des entreprises en France de 35% en 2019 à 25% en 2022, un niveau proche de la moyenne européenne.
Il reste toutefois des impôts de production (notamment CVAE et C3S) défavorables à la production et dont l’industrie supporte une part significative. Par ailleurs, la fin du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire (Arenh) en 2026 et l'augmentation des prix de l’énergie font peser un risque significatif sur la compétitivité industrielle.
La compétitivité hors coût est pénalisée par des handicaps structurels tels qu'une capacité insuffisante de financement de la recherche, une faible attractivité des formations et des métiers, un environnement règlementaire trop complexe.
En prenant en compte les transferts financiers directs ou indirects aux entreprises industrielles, sous forme de prises de participation, de subventions, de prêt, d'avances remboursables, les soutiens publics au secteur se sont élevés à 17 milliards d'euros par an de 2012 à 2019 et à 26,8 milliards d'euros par an sur la période 2020-2022, hors interventions en fonds propres. En excluant les dépenses fiscales* et les niches sociales, ce montant s'élève à 5,8 milliards sur 2012-2019 et à 9,6 milliards sur 2020-2022.
Au final, "le bilan des plans de soutien à la réindustrialisation ou à la numérisation de l’industrie qui se sont succédé est peu concluant en raison de leur ciblage insuffisant et du choix d’instruments peu efficaces".
La Cour conseille notamment de maintenir le crédit d’impôt recherche tout en ajustant son assiette, ou de resserrer le ciblage du plan d’investissement pour l’innovation "France 2030" pour éviter le saupoudrage.
Sur la période 2012-2022, l’industrie est la principale bénéficiaire de certains dispositifs transversaux, notamment de soutien à la transition énergétique et à la décarbonation.
La Stratégie nationale bas carbone (2022) prévoit une réduction annuelle de 7% des émissions d’ici 2030. Les investissements supplémentaires ont été estimés, notamment par Rexecode, entre 2 à 3 Md€/an en moyenne d’ici 2030, 5 Md€ en incluant les coûts de maintenance et d’opération. Parallèlement aux mesures européennes, la France a augmenté les aides aux entreprises pour décarboner leurs sources d’énergie.
"L’industrie manufacturière a reçu plus de 76% des aides attribuées par l’Ademe" selon le rapport. Ces aides ont sensiblement augmenté avec le plan de relance puis par le programme France 2030. Selon l’estimation de l'Institut des politiques publiques (IPP) pour le rapport final du comité d’évaluation de France Relance, le ciblage des aides aurait été satisfaisant. Toutefois, "45% des projets candidats à l’appel à projet historique de l’Ademe en 2008-2009 ont été abandonnés, notamment dans un contexte de faiblesse du prix des énergies fossiles au milieu des années 2010".
* La Cour des comptes s’appuie "notamment sur la méthodologie publiée par Rexecode" pour estimer dans son rapport la part de l’industrie au sein des dépenses fiscales sur la période.
Synthèse par la Doc de Rexecode, accès au document par le lien ci-dessous.
> 10 ans de politiques publiques en faveur de l’industrie: des résultats encore fragiles
Cour des comptes, 28 novembre 2024
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